Voilà, nous avions eu l'idée avec Smarty et Wafooch hier, de faire un petit hommage pour un super homme.
Enfin, je ne vous en dis pas plus, lisez
Nota bene : Déoslée pour la mise en page, j'avais mis des mots en italique, j'ai la flemme de le refaire entièrement ^^^"
Bonne lecture !
Je suis assise sur mon appui de fenêtre. Les étoiles clignotent, on dirait de minuscules cœurs battants. Un vent léger balaie mes cheveux, lesquels s’animent et prennent vie.
Les arbres s’agitent, une chouette hulule, l’instant se fige, s’allonge, s’étire, risque de se briser…
Je le saisis et l’oblige à reprendre son aspect normal.
Mes mains sont moites, à leur habitude. Je les frotte contre ma chemise de nuit. Maman la trouve indécemment courte. Moi je m’en fiche, à vrai dire. Je suis seule dans ma chambre et je compte bien le rester avant pas mal de temps.
Pourtant ce n’est ni à Maman ni à ma chemise que je songe, c’est à la vie. Et à la mort, pour dire vrai.
Dans mes mains, un livre. Je lis sans lire quelques pages, à la lueur de la Lune, mes yeux piquent. Maman dit que ce n’est pas bon de se casser les yeux à lire dans la pénombre.
Sauf que ma vue est de dix sur dix, et je compte bien qu’elle le reste longtemps. Et puis, comme j’aime répéter, ce n’est pas écrit dans mon agenda que je porterai des lunettes.
Alors je lis, et tant pis pour mes yeux.
Soudain, je lève la tête, droit vers la Lune. Une intuition. Un appel. J’y obéis.
Ce que je vois ne m’étonne pas. Je souris. Je l’attendais.
Je saute par la fenêtre. Mes genoux se plient, s’attendant à un violent choc…
…Mes pieds atterrissent sur le sol avec légèreté.
Je suis guidée par une force bien plus puissante que ma petite et insignifiante personne. Je sens l’herbe humide sous mes pieds, je ressens la vie de milliers d’insectes minuscules qui s’y terrent.
- Time can bring you down, time can bend your knees
Time can break your heart, have you begging please¹...
Je n’ai jamais réussi à débiter de telles phrases sonnant aussi juste. Peu m’importe. Et peu l’importe.
- Beyond the door there's peace I'm sure
And I know there'll be no more tears in Heaven¹…
Je suis dans un rêve, en apesanteur, hors du temps, hors de mon corps, je flotte, je ne suis plus, plus que brume…
Je marche, droit vers le champs d’à-côté. J’enjambe le muret, me faufile entre les hauts sapins, guidée par la Lune. Elle est pleine. Ou presque ? Tout ça n’a aucune importance.
La vie, la mort, quelle différence ? Comment connaître la limite, si fragile et si… -le mot ne vient pas à moi de suite- insondable ? Oui, insondable, c’est le mot que je cherchais.
Je suis comme une sylphide, je suis un esprit, guère plus qu’une illusion, guère moins qu’une fausse réalité.
Et je débite des phrases sans aucun sens. Oh, et zut. Seul un fou ou un poète chevronné me comprendrait, les autres me donneraient aux gentils messieurs en blanc -ou en bleu ?-, je ne sais plus.
Je suis seule, les herbes hautes me fouettent les chevilles, je m’allonge, je ferme les yeux. Je bloque ma respiration, je sens un souffle au-dessus de moi, juste là, sur mon cou, sur ma joue. Un parfum. Indescriptible. Du jasmin, peut-être. J’adore ce thé, sans sucre, vous savez, quand la tasse chaude brûle les paumes, et que la fumée monte du liquide bouillant… Je suis la seule à aimer le thé ? Je sais, j’ai toujours été un peu originale sur les bords, mes amis en témoigneront volontiers.
Quoi qu’il en soit, je n’ose pas ouvrir les yeux. Il ne m’a pas encore intimé de les ouvrir.
Un deuxième souffle, chaud cette fois. Une caresse.
Je quitte le sol, je sens quelque chose sous moi… C’est chaud, chaud et… écailleux ?
- Regarde-moi, Marie.
Je m’exécute. Sans aucune crainte. Il est si grand, il est si majestueux, il est si gracieux…
- Vous êtes celui que j’attendais, n’est-ce pas ?
- Sans aucun doute.
- Alors, emmenez-moi…
Il secoue la tête.
- Non. Si toi tu meurs, je mourrai à nouveau.
- De… comment ?
- Tu le sais, fillette.
Fillette ? Fillette ! Dans un mois j’aurai quinze ans !
Il rit doucement, comme s’il avait entendu mes pensées.
- Tu es minuscule par rapport au ciel, tu le sais…
- Je le sais.
- Alors tu sais pourquoi je suis là, pourquoi je mourrai si tu disparais.
- Je refuse de me l’avouer.
Il y eut un instant de silence, comblé par le murmure du vent.
- Va, même si c’est dur. Va, et écris-moi un avenir.
- Non ! Ne… ne me laissez pas ! Je vous en supplie !
- Il est temps, Marie. Fais-le vivre, fais-moi vivre…
Les larmes. Elles ont un goût amer. Elles dévalent mes joues.
Il me repose sur le sol. Dans ses yeux à la sagesse infinie, je vois… je vois de l’espoir, et une confiance éternelle.
- Nous nous reverrons ?
- Rien n’est plus sûr.
- Hormis ma reconnaissance, vous m’avez sauvée…
- Hormis cela.
Alors, il se détourne, ouvre grand les ailes… Fléchit les pattes…
S’envole.
Son Dragon, Son double, me laisse ici, noyée par les larmes, avec pour seule compagne une supplication.
Son Dragon n’est plus qu’un cratère de plus sur la face de la Lune.
Je ne sais pas comment je me retrouve dans ma chambre, mais j’y suis, je suis assise à mon bureau, ma lampe néon éclaire une feuille blanche et un crayon HB, mes préférés pour écrire.
Je le coince entre mes doigts, et, sans réfléchir, je crie mes lettres sur le papier, je les murmure, je les confie, je m’en débarrasse, je les lâche, les rends à leur véritable demeure, le papier.
« Je me souviens de ton livre, là, où ce pauvre papa sauvait sa fille… Je vais faire de même pour toi. Je suis minuscule, ton Dragon me l’a fait comprendre, je suis éphémère, comme mamie qui est morte il n’y a pas longtemps, je suis faible, tu le sais, je ne peux courir sans haleter, je suis dispensée de cours de gymnastique à vie. Cependant, je vais te sauver.
Tu sais, cette moto… C’en n’était pas une. C’était Murmure, le cheval d’Ellana. La route, ce n’était qu’un sentier aux alentours d’AnkNor, ton accident, ce n’était que Murmure qui ralentissait, pour repartir plus vite après le tournant. Tu es tombé, sans toucher le sol, des ailes t’ont poussé, des ailes de mots, ceux que tu chéris tant, ils t’ont sauvé, ah ça oui, c’est-ce que tu chuchotes à ta femme inlassablement tous les soirs. Un jour, tu verras, elle t’entendra, alors elle sourira et te remerciera de l’apaiser.
Tu iras alors baiser le front de tes enfants dans leur sommeil, poser une main sur l’épaule d’un homme pendant qu’il tape « frénétiquement » sur son clavier, la suite de votre projet commun, et Jasper et Ombe, à travers l’écran, te remercieront. Sans compter tous les autres, tous tes enfants, tu sais tu n’as pas chômé, Jules, Elio, Nawel, Salim, Edwin, Léna, Shaé, Mathieu, Doudou, Tristan, Laura, Jilano, il y en a tellement…
Finalement, tu passeras nous voir, tous, nous bercer, tu nous diras que tant que nous écrirons la suite de l’histoire, tant que nous nous laisseront porter par tes mots, tant que nous murmurerons ton nom, tu vivras, toujours, toujours, toujours.
Ton nom, je le donne à cette feuille, je te le donne, toi qui lis ceci, pensant peut-être que c’est une simple fiction, ou même un délire d’une ado shootée plus que nécessaire, tu te trompes, je te l’offre quand même, comme un cadeau, prends-le, et enferme-le dans un coin de ton cœur, pour lui offrir l’éternité en retour.
Deux petits mots, l’un à la suite de l’autre. Tout un monde. Tout un univers. De promesses.
Pierre Bottero, puisses-tu encore nous éclairer, sans relâche.
Nous te le rendons, c’est pour toi que j’aligne ces mots de rien du tout. »_____
¹ Eric Clapton, Tears in Heaven.
Vilà vilà, un petit hommage de rien du tout, le genre de texte qu'on commence sans savoir où ça mène, sans vraiment d'histoire... J'avais envie de le mettre, donc voilà. Bon, évidemment, certains ne comprendront pas les références, mais voilà. (quatre voilà, houlà !)