En faisant de la place dans mon dossier 'Textes', j'ai retrouvé une petite fic que j'ai écrite il y a quelques temps... puisque mes parents fuient quand je commence une phrase par 'dites, vous pourriez pas lire ma...'; je vous suggère d'être mes cobayes ^^''
Voilà ma nouvelle :
PHILOSOPHIA, LA FILLE DU 92ème
Chapitre 1 La petite fille du 92èmeTess n’était pas une jeune fille particulièrement curieuse. Elle était même assez renfermée sur elle-même, car elle avait peur de tout. Ou presque. Des moqueries des autres sur son physique d’asperge, sur ses yeux gris qui louchaient un peu, de la lumière trop forte, des rats, des insectes, de l’eau, du feu, des chiens, de l’obscurité, du professeur d’E.P.S, en résumé de tout.
Pourtant, elle ne pouvait pas s’empêcher d’être intriguée par cette petite fille qui vivait au bout de la rue, dans ce grand immeuble sinistre portant le doux nom poétique d’A11. Un immeuble qui faisait vraiment peur à Tess, à cause de sa taille. Cent étages. Tess avait une sainte horreur de l’altitude. Elle ne supportait pas les week-ends où son père la forçait à l’accompagner à l’escalade. Il lui fallait monter à flanc d’une falaise immense, tout en sachant que la seule chose qui la retenait était un petit bout de cordelette colorée accroché à des pitons minuscules plantés dans la roche, qui pouvaient s’arracher à tout moment. Et le pire, dans tout ça, c’est qu’il lui faudrait ensuite redescendre. Ah ça, Tess détestait vraiment l’escalade.
La petite fille qui intéressait tant la timide et effarouchée Tess vivait au quatre-vingt douzième étage. Rien qu’en y pensant, Tess pâlissait, impressionnée par cette petite fille qui vivait tout au sommet d’une tour de métal, comme la Petite Impératrice dans l’Histoire sans fin.
Il faut savoir que la seule chose qui n’effrayait pas Tess, c’était bien les livres, et rien ne lui plaisait plus que de se pelotonner dans le gros fauteuil du salon, une belle pile de livres prometteurs à côté d’elle, et de passer l’après midi à lire, tout en buvant du chocolat chaud ou en mangeant des cookies.
Tess se demandait si la petite fille lisait, elle aussi, et si elle aimait les cookies. En fait, elle se demandait beaucoup de choses sur la petite fille, comme tout le monde autour d’elle. Car cette petite fille ne sortait jamais de chez elle, que personne ne l’avait vraiment vue.
Mais surtout parce que cette petite fille vivait seule, toute seule au quatre-vingt douzième étage.
Chapitre 2 Pour une assiette de cookies-Tess ! Va faire des courses !
La voix de son père tira Tess de sa rêverie. Monsieur Pilgrim, son père, surgit dans le salon où se trouvait sa fille.
-Encore la tête dans les étoiles, grommela-t-il. Si seulement tu ne ressemblais pas tant à ta mère…
Tess l’ignora et se détourna de la fenêtre par laquelle elle observait l’immeuble A11. Cette phrase, Mr Pilgrim la ressortait souvent, et c’était rarement un compliment. Tess le savait et s’empêchait de faire des commentaires, car son père s’énerverait et ça, elle en avait très peur.
-On n’a plus de cookies aux pépites de chocolat, dit Mr Pilgrim en tendant machinalement sa veste à l'adolescente. Et tes cousins viennent ce soir… chienne de vie ! Tu n’as qu’à aller au Petit Casino, c’est sûrement ouvert à cette heure. Rentre vite et… ne rêvasse pas trop ! ajouta-t-il d’un ton radouci alors que Tess refermait la porte d’entrée.
La jeune fille traversa la rue. Pour aller au Petit Casino, il lui faudrait passer devant l’immeuble. Au carrefour, le feu vert vira au rouge et Tess s’arrêta au bord du trottoir, entourée d’une bande de petits de primaire certainement en route vers la confiserie pour s’empiffrer de bonbons. Tess leva les yeux vers A11. Elle compta les étages, jusqu’au quatre-vingt douzième. Il n’y avait pas de balcon, et les stores des trois fenêtres étaient baissés. Tess se demanda si la petite fille était un mythe. Non, c’était impossible, des fois il y avait de la lumière derrière les stores, la nuit. Et Prune Emmers (la meilleure amie de Tess), qui vivait à l’étage juste en-dessous du quatre-vingt douze, disait qu’elle entendait le parquet craquer. Alors ?
Le crissement des pneus avertit Tess que les voitures s’étaient arrêtées et elle traversa la rue. Elle passa devant l’immeuble en s’efforçant de ne regarder droit devant elle. Tess, malgré son mètre quatre-vingt deux, ne pouvait s’empêcher de se sentir minuscule au pied des immeubles, et d’imaginer que la gigantesque bâtisse allait s’écrouler et qu’elle serait ensevelie sous les décombres. Mais Tess ne put s’empêcher de lever lentement les yeux. De compter, une deuxième fois, les étages. Quatre-vingt quatorze, quatre-vingt treize… quatre-vingt douze. Tess sursauta et pila net. Quelque chose, une petite tache noire, était accrochée au store. Tess ne pouvait en être sûre, elle ne voyait pas très bien, mais… on aurait dit… une silhouette humaine…
Le klaxon d’une voiture la fit sursauter à nouveau. Elle s’était arrêtée en plein milieu du passage clouté et le feu était redevenu vert. Tess, rouge de confusion, grimpa en sécurité sur le trottoir et s’éloigna en marchant le plus rapidement possible, si bien qu’elle faillit passer devant le Petit Casino sans s’en apercevoir. Et là, une autre mauvaise surprise l’attendait.
Le magasin était fermé.
Tess se souvint que ce jour était un dimanche, et trouva la situation plutôt comique. Elle se demanda que faire. Rentrer tout de suite, et risquer de se faire envoyer dans un hypermarché ? Tess avait une peur bleue des hypermarchés. Un labyrinthe infini de boîtes de conserve, de feuilles de salades flétries sur lesquelles on glissait dans le rayon des primeurs, des caissières fatiguées, des tapis roulants sales, de la musique d’ambiance. Un seul mot venait à l’esprit de Tess pour décrire un hypermarché : ‘’Yeurk’’.
En attendant, elle était bien avancée. Tess se rappela soudain que la grand-mère de Prune fabriquait des cookies maison délicieux. Sauf que c’était des cookies aux pépites de vanille, et non de chocolat.
-Oh, et puis advienne que pourra ! dit Tess à haute voix pour se donner du courage.
Et tout en se dirigeant vers l’immeuble A11, elle songea avec un peu de culpabilité que, si cette solution-là l’enthousiasmait autant, ce n’était pas vraiment parce qu’elle échappait de justesse à l’hypermarché, ni parce qu’elle pourrait peut-être discuter avec Prune tout en mangeant quelques-uns de ces délicieux cookies sur fond de Siouxsie and the Banshees. Non, en réalité, c’était surtout pour en apprendre plus sur la mystérieuse petite fille du quatre-vingt douzième, et de la tache noire à forme humaine aperçue sur le store. Tout en sonnant à l’interphone à côté de la petite étiquette ‘’Emmers’’, Tess se souvint d’un couplet qu’elle avait appris en CE1 :
Il nage dans l’océan de sa baignoire,
L’émail, c’est le sable blanc,
Il part au Sahara quand un soleil rare,
Sur le balcon se répand.
Il sait comment patiner, l’été comme en hiver,
Sur un parquet bien ciré.
Il réinvente l’univers, l’enfant du 92ème.Elle se demanda si le couplet avait été écrit spécialement pour la petite fille. Ce n’était pas possible, il n’y avait pas de balcon au quatre-vingt douzième étage.
-Hé ho, c’est toi Tess ?
L’interpellée sursauta pour la troisième fois de la journée et se pencha vers le haut-parleur.
-Oui c’est moi. Dis, Prune, tu crois que ta grand-mère voudrait bien me refiler une assiette de ses cookies à la vanille ? C’est pour une urgence…
-Okay, sûrement, mais faudra payer !
Tess sourit. Prune plaisantait, comme d’habitude.
La jeune fille poussa la lourde porte vitrée et prit l’ascenseur. Tess appuya sur le bouton ‘’91ème’’ et s’allongea sur la moquette couleur crème. C’était sa méthode préférée pour ne pas ressentir l’effet de la petite cage de métal qui montait… et le mal de ventre que cela lui donnait. Tess loucha sur une cendre de cigarette dans un coin pendant les sept minutes que durèrent sa montée. Enfin, l’ascenseur s’arrêta avec une secousse. La jeune fille se releva d’un bond, retira la poussière de son jean et de son vieux sweat-shirt vert, sortit de l’ascenseur… et se cogna à quelqu’un.
-Espèce de mollusque en putréfaction, vous ne pourriez pas regarder où vous marchez ? s’écria la malheureuse personne tout en se frottant le crâne.
Tess écarquilla les yeux. Elle se trouvait face à la petite fille, elle en était certaine.
Chapitre 3 PhilosophiaLa petite fille devait n’avoir guère plus de sept ans. Elle avait une peau incroyablement pâle, des longs cheveux nattés d’un noir d’encre, des yeux aux pupilles et aux iris de la même noirceur étrange. La petite fille était vêtue d’une robe tout aussi noire, et de chaussures très banales, si ce n’est qu’elles aussi étaient noires. Il y avait dans les yeux de la petite fille une telle aura de mystère et de magie que Tess fut effrayée comme jamais elle ne l’avait été.
-Vous voulez une photographie ? Ça dure plus longtemps ! ajouta la petite fille d’un ton furieux.
-Bfhgmdokfz, balbutia Tess.
La petite fille leva les yeux au ciel et, très droite et digne, entra dans l’ascenseur. Tess s’écarta d’un bond, instinctivement, comme si elle se doutait qu’il valait mieux ne pas trop s’approcher d’elle. La petite fille se retourna vers Tess et appuya sur le bouton de son étage. Elle ne quitta pas l'adolescente des yeux, jusqu’à ce que la porte de l’ascenseur se referme avec un léger chuintement.
Tess resta figée dans le couloir, bouche bée, stupéfaite, comme anesthésiée. Il fallut que Prune la secoue pour que Tess s’aperçoive de sa présence.
-Holà, du navire ! plaisanta Prune. Il est temps de larguer les amarres !
-Prune, j’ai vu un vampire, balbutia sa meilleure amie.
Son amie éclata de rire et entraîna Tess dans son appartement. L’odeur des cookies chauds et des jasmins qui s'entassaient par dizaine de pots dans le salon (la mère de Prune était fleuriste) raviva les sens de Tess et repoussa la purée de pois qui embrumait son cerveau.
-Je te jure que j’ai vu un revenant ! ajouta-t-elle. C’était… c’était…
Prune l’assit sur un canapé.
-Tu veux parler de la fille qui habite au-dessus ?
-Je crois que c’est elle, oui.
Prune alla chercher l’assiette de cookies et revint également avec deux tasses de café au lait.
-Faciès de croque-mort, nattes noires à la Pocahontas ? interrogea-t-elle en mettant de force une des tasses dans les mains de son amie.
Tess acquiesça silencieusement.
-Ouais, c’est elle, ajouta Prune en s’asseyant à son tour. Pratiquement personne ne la voit, mais des fois elle descend à cet étage pour aller voir le Bigleux.
Le Bigleux était un vieil homme qui vivait deux appartements plus loin que celui de Prune. Il avait eu des petits enfants autrefois, mais également la réputation de frapper dur. C’est pourquoi les petits-enfants en question, on ne les voyait qu’au cimetière.
-Tu crois qu’ils sont de la même famille ? suggéra Tess en buvant une gorgée de son café.
-Probable, répondit Prune. Cette fille, c’est dingue, on dirait vraiment Mercredi dans 'la famille Addams'.
Tess sourit.
-Et tu dis que c’est moi qui ais une trop grande imagination ?
-Hé, une petite minute, qui c’est qui a parlé de vampires et de revenants ?
Tess ne répondit pas. Les deux amies terminèrent leurs cafés en silence et Tess, l’assiette recouverte de papier alu à la main, s’apprêtait à sortir quand elle demanda soudainement à Prune :
-Hé, dis-moi… cette fille… comment elle s’appelle ?
Prune se mordit la lèvre inférieure, signe d’intense réflexion chez elle, et finit par dire :
-Philosophia, je crois.
-Hein ? Philosophia ? Mais d’où elle sort ce nom à coucher dehors ?! ne put s’empêcher de s’exclamer Tess.
Prune eut un petit sourire amusé.
-‘Sais pas.
-Et… est-ce qu’elle a un petit frère ou une petite sœur ?
-Non, pas à ma connaissance.
-Merci, Prune.
Tess partit et rentra rapidement chez elle, car le soleil commençait à décliner et ses cousins n’allaient pas tarder à arriver. En fait, ils étaient déjà là, et comme ils avaient l’habitude, Mr Pilgrim ne se gêna pas pour engueuler Tess, et le ton monta rapidement quand il s’aperçut que les cookies étaient à la vanille au lieu de chocolat. Heureusement, les cousins calmèrent le jeu en disant que la vanille, c’était très bien, même plus que le chocolat, et la soirée s’acheva joyeusement. Cependant, quand tout le monde fut allé se coucher, Tess sortit sa paire de jumelles du tiroir de son bureau et ouvrit la fenêtre. Elle colla les lentilles contre ses yeux et braqua l’instrument sur l’immeuble A11. Il était temps qu’elle en ait le cœur net sur cette étrange tache noire. Lentement, Tess compta les étages, du rez-de-chaussée jusqu’au quatre-vingt onzième. Là, elle hésita. Tess avait peur de ce qu’elle risquait de voir. Les jumelles se mirent à trembler entre ses mains. Elle assura sa prise sur les tubes en plastique, et s’aperçut qu’elle avait les mains moites. Son cœur cognait contre ses côtes, si fort que Tess était sûre qu’on l’entendait à l’autre bout de la ville. Enfin, elle leva les jumelles d’un cran… et poussa un hurlement de frayeur. Elle bascula en arrière, les jumelles heurtèrent le sol avec un ‘’ponk !’’ sourd. Tess était terrifiée, comment, comment Philosophia avait-elle pu être au courant ? C’était impossible… la peur tenaillait Tess ; fort, si fort que Tess ne put en supporter davantage. « Son cœur a lâché, dira le médecin légiste à Mr Pilgrim le lendemain matin, quand le corps sera retrouvé. Votre fille est morte de frayeur. »
EpiloguePhilosophia ricana. C’avait été facile. Trop facile. Elle caressa la tête de la petite poupée qu’elle suspendait parfois aux stores. Les yeux de la petite fille brillèrent d’un éclat d’améthyste quand sa main couleur de lait toucha la toile brute dans laquelle la poupée vêtue de noir, qui avait tant intrigué Tess de son vivant, était constituée. Philosophia souleva deux pales du store de gauche et se pencha, son regard convergeant, tel un rayon froid et menaçant, vers la petite maison dans laquelle vivait Tess Pilgrim. Vers la fenêtre de la chambre de l’adolescente. Philosophia, grâce à un bienheureux rayon de lune, vit le visage ovale et le regard sans vie de Tess ; l'enfant avait de bons yeux, de très bons yeux même. Philosophia ouvrit la fenêtre et décrocha du store le panneau qu’elle avait substitué à la poupée.
Stupide petite humaine, croyais-tu réellement pouvoir percer à jour mes secrets ?
PhilosophiaLa petite fille déchira le carton barbouillé de feutre noir et alla jeter les morceaux dans la poubelle. Au passage, elle croisa sa chatte, noire évidemment, Libitina. Philosophia se pencha pour la caresser, et les yeux couleur de rubis de la jeune chatte se plantèrent dans le regard sombre de la petite fille avec détermination et tendresse.
-Ce soir-là, ma chère Libitina, est un grand soir, déclara-t-elle J’ai enfin réussi à éliminer un être humain. Je vais enfin pouvoir être admise dans le Cercle des Sorcières. En plus, c’était la sale petite curieuse qui n’arrêtait pas de se poser des questions sur moi… ah, Libitina, que la vie est belle de nos jours !
Philosophia éclata d’un nouveau rire cynique, un rire qui déchira le silence de la nuit, un rire qui pour une fois ne fit pas peur à Tess car, maintenant, Tess ne pourrait plus jamais avoir peur.
Fin
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Ben voilà ^^ désolée s'il y a des fautes, et surtout ne vous gênez pas pour poster des critiques ^^
EDIT : j'ai corrigé les fautes en suivant les conseils de R-Fas (encore merci à elle !)