Il est là. Aussi long, bâclé, en retard, indigeste, bourré de fautes, il est arrivé: voici ma participation au concours V, 14 pages Word, 7979 mots et toute ma passion. Voici donc comment tout doit finir:
Dieu est mort. Longue vie à l'Humanité.
«
Le monde. C’est une notion étrange, « le monde ». On parle de conquérir le monde, de détruire le monde, de sauver le monde. Mais à chaque fois, le sens du monde est différent. C’est un mot spécial aux multiples connotations.
Certains considéraient que Charlemagne était le « maître du monde » car il était le roi du monde connu de l’époque, soit une petite partie de l’Europe. Napoléon a voulu conquérir le monde, c’est-à-dire annexer militairement toute l’Europe, de l’Angleterre à la Russie ainsi que le Nord de l’Afrique. La notion de « détruire le monde » varie : détruire la Terre, détruire la vie sur Terre, détruire les hommes, détruire la civilisation… On dit que Dieu créa le monde, mais selon les versions il a créé la Terre ou a trouvé la Terre et a créé la vie. La notion même de la taille du monde varie : on entend aussi bien que le monde est vaste et qu’il faut le parcourir que le monde est petit.
Au XXème siècle on a considéré que l’homme pouvait détruire le monde. La création de l’arme atomique a rendu les conflits tellement dangereux que les guerres entre pays la possédant ne sont plus jamais devenu des conflits ouverts, mais seulement des conflits d’influences et d’espionnage. L’Homme a désormais la puissance de détruire la Lune. Deux bombes H explosant au même endroit suffiraient à faire changer l’axe de rotation de la Terre. Une guerre atomique entraineraient irrémédiablement la fin de toutes les formes de vie vivant à la surface et pour lesquelles les radiations seraient un danger. C’est-à-dire la majorité des espèces.
Et bien évidemment, la guerre atomique a bien eu lieu. Pour tout le monde, la combinaison des crises écologiques, économiques et politiques a finalement conduit un conflit généralisé qui a suivi la règle de la surenchère : chaque tir est vengé par deux autres, les balles tirées par l’ennemi méritent des grenades, les grenades méritent les missiles, et les missiles méritent l’arme nucléaire. Ainsi la dégénérescence de cette horreur qu’est la guerre a conduit à l’une des plus grandes crainte de l’homme : le conflit atomique.
Mais étrangement, ce conflit n’a pas causé la destruction de l’homme. Les missiles les plus puissants ont été neutralisés, et seules ceux dirigés vers les grandes villes ont atteint leur cible, pendant que, sur le net, des avertissements étaient diffusés à toutes les sauces, incitant une partie de la population à quitter les grandes villes.
J’ai toujours su que j’avais un grand destin. Que j’étais exceptionnel. Le monde a été détruit, selon ma définition de ce terme. Et il est temps pour moi de le sauver. Et bien entendu, de châtier les véritables coupables.
Cela fait sept jours que le monde a sombré. Il a fallu trois jours pour réduire à néant des millénaires de civilisations, et cela fait trois jours que je contemple mes semblables chercher désespérément de l’aide. Cette aide, je leur accorderai. Lorsque le moment sera venu.
Il est dit dans la Bible que Dieu a créé le monde en six jours et s’est reposé le septième. Moi j’ai réfléchis à la création du monde pendant six jours et je pars le recréer le septième. Si vous trouvez ce message, sachez que j’arrive bientôt. Mais surtout, apprenez à survivre et à vous défendre. Car certaines créatures n’ont pas envie de laisser notre espèce continuer à exister. Pour ces espèces, notre annihilation est une solution à la fois évidente et moralement parfaitement défendable.
Et bien qu’elles fussent un jour mes amies ces créatures sont désormais mes ennemies… »
Message trouvé en Irlande quelques jour après la fin du Premier Monde.
*****
-Convergence, ici Hermès. Convergence, ici Loki. Demandons mise en relation avec le Père.
-Hermès, ici Convergence. Transmettez motif de votre demande.
-Convergence, ici Hermès. Avons besoin des informations relatives à notre mission.
-Hermès, ici Convergence. Nous transmettons votre demande.
Hermès soupira d’impatience. Le Père avait beau avoir sauvé le monde, il aurait pu au moins ne pas sauver les administrations incompétentes. Sérieusement, la fin du monde était survenu il y a plus de trois ans, et les communications de Convergence employaient encore des mots de passe, un langage robotique et bien sur l’inévitable temps insupportable qu’il fallait pour transmettre la moindre information. Se résolvant à prendre son mal en patience, il regarda autour de lui, examinant ses compagnons de vol. A l’avant de l’avion qui les emmenait vers leur mystérieuse mission, Odin pilotait, de son air impassible habituel, ses éternels gants pianotant de temps en temps le tableau de bord. Ce type n’avait aucun humour et très peu de conversation, ou alors un humour désagréable impliquant souvent sa supériorité sur les autres. Les deux filles du groupe, Sekhmet et Aditi, discutait dans un coin. Hermès esquissa un sourire, à la vue de ses deux filles s’entendant si bien malgré qu’elles soient aussi dissemblables que le Soleil et la Lune. Sekhmet était une fille rousse au caractère farouche, parfois même violent, alors qu’Aditi était une petite brune toujours calme, parfois même presque absente. Et bien sûr, astiquant ses katanas dans son coin comme toujours, le chef de leur expédition, Gabriel, l’éternel guerrier. Un type bien mais toujours plus dur et déterminé dès qu’ils étaient en mission. Ah oui, et puis il y avait lui-même. Hermès, beau, intelligent, talentueux, l’homme idéal. Un être rare.
-Bonjour Hermès, fit une voix profonde dans la radio.
-Bonjour Père, répondit Hermès. Nous sommes sur le point d’atteindre la cible. Quelles sont les consignes ?
-Cette mission est très spéciale, et tu y auras un rôle bien particulier, alors inutile de vouloir changer les rôles, fit le Père, compatissant mais voyant clair dans le jeu d’Hermès. Passe-moi Gabriel, c’est lui que j’ai nommé chef de cet expédition, c’est donc à lui que je dicterai les consignes.
Hermès transmit le microphone à Gabriel en bougonnant, un peu grincheux mais toujours admiratif devant le Père, qui savait toujours voir clair dans les jeux de tous. Personne n’était capable de surpasser le Père sur le plan intellectuel.
-Père, ici Gabriel. Prêt à recevoir les instructions.
-Gabriel, toujours aussi martial. Alors comme tu dis voici les instructions : intercepter la cible et la transporter à Convergence, sans qu’aucun mal ne lui soit fait. Et j’insiste : aucun mal. Vous avez simplement le droit de l’endormir, car elle ne vous accompagnera pas de son plein gré. Ouvre la lettre que je t’ai confiée, tu comprendras…
*****
Se réveiller est un moment qui en soit n’est pas très agréable. Se réveiller après avoir été endormie de force par une seringue contenant un anesthésiant l’es encore moins. Etre prisonnier aux mains de personnes inconnues, c’est vraiment très désagréable. Etre attaché, c’est aussi quelque chose de pénible. Alors se réveiller attachée dans un avion en plein vol avec des inconnus après avoir été endormie de force, c’est VRAIMENT pas le meilleur moyen pour être de bonne humeur.
Alors quand vous vous réveillez dans ces conditions et qu’un jeune Homme de Boue blondinet vous demande si vous avez bien dormi du ton le plus naturel du monde en vous fixant à 30 centimètres de votre visage, lui exploser le nez par un violent coup de boule peut paraître une réaction normale, non ?
-Votre comportement est absolument intolérable pour une invitée, déclara un autre Homme de Boue, au visage plus dur, avec deux sabres accrochés sur les côtés. Ce pauvre Hermès ne faisait que s’enquérir de votre état après un sommeil quelque peu… Contraint.
-Un sommeil contraint ? répliqua la fée mal réveillée. C’est comme ça que vous appelez se jeter sur une personne la nuit pour lui enfoncer une seringue dans le cou et l’embarquer dans un avion ?
-Non, en fait, j’appelle ça une « extraction », en jargon militaire, répliqua l’humain. Un « enlèvement » en langage civil, et vu votre corpulence, un « kidnapping » serait le bienvenue, capitaine Short.
Holly manqua de s’étouffer en l’entendant prononcer ces mots. Comment un humain pouvait-il connaître son identité, et l’appeler par son ancien grade ?
-Quoiqu’il en soit, poursuivit l’humain, il est toujours plus tolérable de voir des humain kidnapper une fée isolée traquée par ses congénères que des humains débusqués et massacrés par des fées un peu partout sur une planète passablement détruite, si vous voyez ce que je veux dire.
-Qu’est-ce que vous me voulez ? demanda Holly pour se redonner contenance.
-A titre personnel l’idée de vous enfoncer l’un de mes sabres dans le ventre me plaît particulièrement. C’est toujours plus « humain » que ce que vous autres fées nous avez fait. Mais le Père souhaite s’entretenir avec vous. Je vous emmène donc à Convergence.
-Convergence ?
-La ville cachée des hommes. Le lieu où convergent les humains survivants et les espoirs des humains. Là où se trouve le Père.
-Et c’est qui, ce « Père » dont vous parlez, à la fin ?
-Quelqu’un qui a laissé un message pour vous. Il m’a dit de vous donner ça, expliqua-t-il en tendant une pièce dorée percée d’un trou.
La surprise de trop : Holly en resta bouche bée. Ce médaillon lui remémorait des souvenirs qu’elle aurait préféré conserver enfouis dans le passé.
-Qu’est-ce que ça veut dire ? demanda-t-elle d’une petite voix.
-Vous demanderez au Père. Il désire vous rencontrer et nous a envoyé vous « inviter ». Il ne nous a pas précisé pourquoi, et les voies de Père sont impénétrables. En tout cas, cette mission a beaucoup amusé mon ami Hermès. Je devrai presque vous remercier pour ça…
-Attendez, interrompit Holly, comment avez-vous appelez votre ami ?
-Hermès. C’est le nom que Père lui a donné. Il en a donné un à chacun des membres de l’équipe. Hermès, Odin, Sekhmet, Aditi et moi, Gabriel. Pourquoi ?
-Parce que ça veut dire que je connais votre Père. Et si je ne trompe pas, il est mort depuis des années.
*****
Une fois le trajet en avion terminé, sans plus de discussion, Gabriel avait enfermé Holly dans une boîte de métal qui ne disposait que de fines fentes pour respirer. Il lui avait expliqué que c’était ça où les yeux bandés, mais que si les humains de Convergence la voyait, il ne pouvait garantir sa sécurité. Holly avait donc accepté, bon gré mal gré, de se laisser enfermer. Lorsqu’il rouvrit la boîte, Holly se trouvait dans une grande salle d’un style très… surprenant. Entre les murs de pierre recouvert de tapisseries et d’écrans, le fauteuil bien installé devant un chauffage électrique et le piano qui trônait à côté d’un groupe d’ordinateurs, on aurait dit qu’un mordu de l’informatique avait redécoré à sa manière le salon d’un manoir de type victorien.
Et, tout au fond de la pièce, devant les ordinateurs, sur un énorme fauteuil pivotant, le Père leur tournait le dos.
-Bonjour, Père, fit Gabriel en s’inclinant profondément.
-Relève-toi Gabriel, répondit le Père sans se retourner. Tu sais que je ne supporte pas ce genre de cérémonie avec moi.
-Et vous Père, répliqua Gabriel en souriant, vous savez que tous les ordres du monde ne m’empêcheront pas de vous témoigner le respect que vous méritez. Vous le savez même si bien que vous avez cessé de vous retourner pour vérifier si j’obéissais enfin.
-C’est vrai, fit le Père, amusé. Bonjour à vous aussi, Capitaine Short. Bienvenue à Convergence.
-Mais où sommes-nous donc ? demanda Holly, lassé de ne pas savoir ce qui se passait.
-Nous sommes entre ce qui fut la France et la Suisse, dans les Alpes. Convergence est une cité souterraine cachée, faite pour protéger les hommes de la menace du Petit Peuple. Ici convergent les survivants humains, ici converge l’espoir du monde, nous avons donc nommé cette cité Convergence. Mais, reprit le Père alors qu’Holly voulait poser une autre question, ici, c’est moi qui pose les questions.
-Dieu que cette phrase est cliché, fit Hermès en entrant dans la salle. Père, tu te fais vieux, pour sortir des répliques pareilles. Voici le dossier que tu as demandé à Odin, il est toujours avec nos amis de la radio.
-Vous avez la radio ? demanda Holly, abasourdi.
-Oui, répondit Hermès, ainsi qu’une bibliothèque, de l’électricité, de l’eau courante, un jacuzzi… Non, se reprit-il en voyant le regard noir que lui lançait Gabriel, on n’a pas de jacuzzi. Et je maintiens qu’en construire un serait un investissement rentable !
-Hermès, s’il te plaît, dit le Père d’une voix fatiguée, ait l’extrême obligeance d’aller te rendre utile ailleurs, de préférence pour aider à la défense face à l’attaque imminente des Fées sur Convergence.
-Quelle attaque ? s’étonna Holly. Personne en bas n’a jamais soupçonné l’existence de quelque chose d’aussi… énorme !
-Mais ça serait plus énorme encore avec un jacuzzi…
-Hermès !
-C’est bon, j’y vais, j’y vais…
-Bon, reprit le Père, posons les choses simplement. Répondez à mes questions, Capitaine Short, et je répondrai aux vôtres. Parlez-moi par exemple du Dernier Gardien. Je sais qu’à l’époque où les FAR existaient encore vous aviez fait une enquête sur lui.
*****
-Le « Dernier Gardien » est une personne dangereuse, entama Holly d’une voix monocorde, résignée à obéir et sans être surprise que le Père en sache autant sur elle. Il se dit descendant direct des Frondelfes et gardien de la civilisation du Petit Peuple. Il est apparu il y a une demi-douzaine d’années, peu après l’incident avec le frère du commandant Root. Il était à la tête d’un mouvement fait d’anciennes fées très conservatrice et résolument haineuse envers les humains et de jeunes fées cherchant une réponse simple aux problèmes environnementaux. Partout où ils allaient ils prêchaient que les humains étaient la cause de la mort de la Terre, qu’ils étaient des parasites, et que si nous ne faisions rien, nous, les « vrais enfants de la Terre » comme ils nous appelaient, la Terre mourrait. Il se disait héritier de la volonté des Frondelfes et Dernier Gardien de la Terre. Et un certain nombre de gens l’ont suivi, voyant chez les humains la source de tous les ennuis. Ce mouvement se serait naturellement tari si, il y a trois ans, les humains n’avaient pas déclenché une Guerre Nucléaire Mondiale. On ne sait pas comment ça s’est produit, mais le résultat fut dramatique. La majorité des humains sont mort dans cette guerre, et le bilan écologique fut cauchemardesque. Partout à travers le monde des zones entières ravagées et contaminées, auxquelles il faudra des siècles pour retrouver une minuscule partie de leur splendeur d’antan. Et les humains en étaient la cause. C’était le discours du Dernier Gardien. Il a levé des foules en colère, et a marché sur Haven Ville. Il a dissout les FAR, et érigé un nouveau Grand Conseil. Tous les membres du petit peuple soupçonnés d’avoir collaboré de près ou de loin avec les humains ont été irrémédiablement traqués pour être exécuté publiquement. En particulier les personnes liées au dossier « Artémis Fowl ». Tous mes collègues qui ont travaillé avec moi pour guérir Artémis Fowl de ses problèmes et pour participer à ses projets écologiques : le capitaine Math et ses éternels « Bandes de moules ! », le docteur Altostratus, sa jeune assistante Alice, les agents de liaisons Hestia et Comix, la caporale Raf, son adjoint Newbrain… Tous morts.
-Et ensuite ? répliqua le Père sans la moindre compassion. Racontez donc ce qui s’est passé ensuite.
-Ensuite le Dernier Gardien a appelé le Petit Peuple à participé à la « Grande Purge » : l’extinction totale de l’espèce humaine. Partout dans le monde, des groupes de fées traquent et tuent les derniers humains. Ceux qui ont jugés cette solution extrémiste et ont voulu protesté ont été désignés comme traître à la Terre et ont subi le même sort que les humains. Et pour les humains qui ont été liés aux humains, un sort spécial leur a été réservé. Des corps d’armée spéciaux ont été détachés à leur attention, avec instruction de ne laisser aucun survivant. D’où l’incident d’Irlande.
-L’incident d’Irlande ?
Le ton surpris du Père sonnait étrangement faux.
-L’incident d’Irlande, l’attaque du manoir Fowl. La mort du garde du corps des Fowl, Butler, qui a tué à lui seul presque la moitié du commando, et le suicide d’Artémis en faisant sauter le manoir, achevant de décimer les militaires envoyés le tuer. Mais ça, vous le savez déjà.
-Oh, fit le Père, d’une voix amusé. Et pourquoi le saurai-je ?
-Gabriel, l’Archange de la religion chrétienne, énuméra Holly. Odin, le dieu le plus puissant des peuples de Scandinavie. Sekhmet, la déesse-lionne des égyptiens. Aditi, déesse-mère de la mythologie indienne. Hermès, messager des dieux grecs. Je suis l’agent des FAR qui connaît le mieux les hommes. J’ai étudié vos religions. Vous me croyez vraiment stupide au point de ne pas faire le lien avec Artémis, déesse de la chasse de la mythologie grecque ? Vous êtes mort, Artémis Fowl II, il y a de cela trois ans, et je vous retrouve devenu « Le Père ». Qu’est-ce qu’il s’est réellement passé il y a trois ans ?
*****
Faisant pivoter sa chaise, Artémis Fowl se tourna vers le Capitaine Short. Plus vieux que la dernière fois qu’elle l’avait vu, arborant une petite barbe soigneusement taillée, vêtu d’un chic costume, le Père croisait les doigts avec un sourire carnassier. Ce bon vieux sourire qu’il avait lorsqu’il exécutait l’un de ses plans, avant. Le sourire de celui qui contrôle tout et sait parfaitement ce qui va arriver.
-Ah mais, très chère Capitaine short, ces noms n’ont pas été choisis aux hasards. Je dois convenir qu’ils servaient d’indice à ceux qui me connaissaient bien, pour qu’ils me retrouvent après la Fin du Monde. Mais ils signifient beaucoup plus que ça. Odin, montre au capitaine ce que je veux dire.
Odin, le personnage le plus discret des « Fils » d’Artémis, dégagea une mèche de cheveux qui lui tombait devant l’œil, approcha sa main de ce dernier puis, sans crier gare, arracha son œil de son orbite. Ou plutôt, le morceau de tissu peint qui recouvrait son œil, dévoilant un autre œil, fait d’acier et de verre. Un œil qui vous fixait videment. Un œil de cyborg. Il retroussa ensuite l’une de ses manches, et enleva le gant du même bras, dévoila tout un bras artificiel, comme une monstrueuse excroissance métallique sortie tout droit d’un film de science-fiction.
-Dans la mythologie scandinave, reprit Artémis sans la moindre considération pour le mouvement de recul d’Holly, Odin a sacrifié son œil pour voir dans le puits de la connaissance. Il y a une vingtaine d’années, Votre Dernier Gardien a créé des centres de recherche scientifique partout dans le monde. Dans le monde des hommes. Il savait que les forces des fées ne suffiraient pas à décimer les hommes, alors il a créé des armes. Des armes humaines. Dans ces centres de jeunes humains, parfois éduqués dès leur naissance ou, dans la plupart des cas, dès leur création suite à une expérience malsaine, étaient entraîné à devenir des armes. Odin est l’un de ceux-là. C’est un jeune prodige dont les capacités avoisinent les miennes au même âge, et il a naturellement été envoyé dans une école spécialisée pour les jeunes génies de son cas. Il a même accepté de travailler partiellement pour un centre scientifique. Comprenez que pour lui, c’était plus qu’il ne pouvait espérer. Il allait pouvoir gagner de quoi nourrir sa famille, peu aisée, et travailler directement au cœur de ce qui le passionnait : les sciences. Ce jeune prodige a même réussit à concevoir à l’âge de 14 ans un bras et un œil artificiel, parfaitement opérationnels et adaptables a un corps humain. Au même âge environ, je concevais le cube C, mais j’avais l’aide de la technologie des fées. Toujours est-il que ce centre était en réalité l’un de ceux du Dernier Gardien, et qu’il a décidé que notre jeune ami ici présent testerai lui-même son invention. Avez-vous idée de ce que c’est, Capitaine Short, que de perdre son bras et son œil à cause de vos propres créations, que vous avez conçus pour aider les gens, les handicapés par exemple ? Lorsque je l’ai recueilli, le nom d’Odin m’est donc venu très naturellement. Les 5 de mes fils à qui j’ai offert un nom de Divinité sortent d’un de ces centres, avec une histoire similaire à celle que vous venez d’entendre. Ils ont tous été plus ou moins modifié, et éprouvent chacun à leur manière une haine totale envers ceux qui leur ont infligés ça, c’est-à-dire votre peuple, capitaine Short.
-Attendez ! s’exclama le capitaine Short. Ce que vous dîtes n’a aucun sens ! Vous parlez d’évènements remontant à une vingtaine d’année, or la guerre nucléaire que vous avez déclenchée est survenue il y a à peine trois ans ! Il est donc parfaitement impossible que les fées aient commis une horreur pareille, elles n’avaient à l’époque aucune raison d’haïr les hommes !
-Capitaine Short, quelle naïveté ! Vous croyez que la haine des fées à l’égard des hommes est simplement due à cette apocalypse nucléaire ? Vous nous accusez de polluer la Terre, vous nous regardez en permanence d’un œil condescendant, si ce n’est méprisant. Vous nous raillez en permanence, nous, les « Bonhommes de Boue ». Vous nous jalousez, car nous vivons à la surface tandis que vous êtes cloîtrés sous terre, vous ne pouvez courir le risque d’une guerre ouverte car nous sommes plus nombreux que vous, malgré toute votre avance technologique. Et vous nous craignez, car aujourd’hui nous avons les moyens de repérer votre existence. Au fond, une bonne partie des fées nous haïssent à l’intérieur d’elles-mêmes, tandis que presque tout le Petit Peuple se juge supérieur aux hommes. Il suffit d’un détonateur pour que les premières entraînent les secondes dans la plus virulente des guerres imaginables : une guerre inter-espèce. Je pourrai dire que votre Dernier Gardien a parfaitement instrumentalisé la guerre nucléaire s’il ne l’avait pas déclenché !
*****
-Qu’est-ce que vous racontez… fit Holly d’une voix blanche.
-Vous allez voir, fit Artémis en rallumant ses écrans. Voici ce que filment en ce moment même les caméras de surveillance que nous avons disséminés autour de la montagne qui abrite Convergence. Reconnaissez-vous cette fée ? demanda-t-il en désignant à l’écran un félutin à l’air arrogant arborant une armure d’apparat et un bâton richement décoré.
Holly fixa l’écran, avant de se tourner vers Artémis, l’air d’avoir été frappée par la foudre :
-Mais… C’est lui ! C’est le Dernier Gardien ! Qu’est-ce qu’il fait ici ???
-Il se trouve, répondit Artémis avec son sourire carnassier, qu’il y a quelques heures l’ex capitaine Holly Short a été capturée par des humains pour des motivations pour le moins mystérieuses. Et il se trouve que ladite capitaine Short portait un casque donnant sa localisation exacte et transmettant les conversations du capitaine. Mais fort heureusement, les humains étaient ceux de Convergence, la dernière citée humaine, et les fées vont pouvoir lancer un raid final pour porter le coup fatal aux hommes. Le Dernier Gardien, défendeur d’un ordre conservateur et guerrier, anti-humain, désireux d’écrire sa légende, une légende qui demeurera parmi les fées pour les siècles à venir, est donc symboliquement présent, pour motiver les troupes et surtout donner une importance historique à la bataille. Il faut que plus tard on dise : le Dernier Gardien a pris Convergence, dernière cité des hommes, achevant de sa main la race des hommes. Bien sûr, le Dernier Gardien ne se doute pas un instant que tout ceci ait pu être prévu…
-Vous avez orchestré tout ça ?
-Exact. Je vous remercie de votre coopération. Et vous allez pouvoir assister au dernier acte, mais en tant que témoin je le crains.
Artémis pianota son clavier et soudain les tapisseries se soulevèrent, laissant place à des ascenseurs de verre encastrés dans les murs. A l’exception de deux tapisseries, l’une représentant une déesse armée d’un arc et l’autre une déesse casquée maniant lance et bouclier, toutes les tapisseries avaient disparues, donnant à la pièce un air de complexe scientifique avec tout ce verre et cet acier qui décoraient la pièce de part et d’autre.
-Vous allez devoir admirer le chapitre final derrière cette cage en verre. Ces ascenseurs me servent d’échappatoire d’urgence, mais comme je les contrôle parfaitement d’ici, ils peuvent aisément servir de cage. Ou de loge, au choix.
-Je refuse d’être à nouveau enfermée, Artémis ! s’exclama Holly d’un air de défi.
-Et je n’ai jamais dit que vous aviez votre mot à dire, répliqua Artémis, avant que Gabriel n’assène un violent coup dans la nuque d’Holly qui s’effondra, assommée sur le coup.
*****
-Ah, enfin vous revoilà Capitaine Short, fit la voix d’Artémis quand Holly recommença à bouger ses membres engourdis. Nous allons donc pouvoir commencer.
Holly se releva avec difficulté, prise au piège dans l’un de ces ascenseurs de verre dont Artémis avait parlait. Ce dernier s’était installé dans un confortable fauteuil de cuir, avec face à lui un autre fauteuil, vide, et entre les deux une table sur laquelle trônait une télécommande et deux seringues, une verte et une bleu. Dans l’ascenseur en face d’elle était enfermé Gabriel, posé, qui étudiait calmement la situation. Et dans l’ascenseur en face d’Artémis, le Dernier Gardien était prisonnier, pitoyable, son armure majoritairement saccagée, sans arme aucune. Il n’y avait personne d’autres dans la salle.
-Maintenant que tout le monde est opérationnel, il est temps de débuter l’acte final de cette pièce. J’invite celui qui se fait appeler le « Dernier Gardien » à me rejoindre à cette table de discussion, clama Artémis en pianotant la télécommande.
L’ascenseur emprisonnant l’appelé s’ouvrit, lui permettant de sortir, scrutant autour de lui d’un air méfiant.
-Vous n’avez rien à craindre, déclara Artémis avec un sourire sous-entendant tout le contraire. Enfin, tant que vous avez la conscience tranquille. Comme vous l’avez vu, il me faut entrer une combinaison de 4 touches différentes pour ouvrir l’une de ces cages, et je pose la télécommande sur la table. Si jamais je tentais de libérer Gabriel, vous auriez tout loisir de m’en empêcher. Le Capitaine Short et lui ne sont ici qu’en tant que témoin des deux espèces à la discussion que nous allons à voir.
-Je n’ai aucunement l’intention de discuter avec un humain comme vous, cracha le Dernier Gardien, méprisant.
-Je crains que vous n’ayez pas le choix. Votre escouade est tombée dans un piège simple mais efficace. Vos hommes sont soit morts, soit prisonnier. Cette montagne est remplie d’humain rêvant de se venger de vous. Et déjà, sous terre, vous savez que vos anciens alliés profitent de votre absence pour essayer de récupérer un peu de votre pouvoir. Vous avez besoin de jouer mon jeu si vous désirez pouvoir quitter ce lieu.
Le Dernier Gardien fronça les sourcils et grommela.
-Très bien humain. Quelles sont vos conditions ?
-Mes conditions ? s’exclama Artémis. Vous plaisantez ! Vous avez réellement cru être dans une situation de type « prise d’otage » ou « négociations » ? Non non, j’ai dit que nous allions discuter… J’ai notamment une question à vous poser… Vous vous faîtes passé pour un envoyé de dieu, une divinité, voir un Dieu venu sur Terre punir l’homme, n’est-ce pas ?
-Je ne me fais passer pour rien ! J’ai été béni par notre Mère la Terre ! Je SUIS un Dieu !
-Certes, certes, répondis Artémis avec un sourire narquois aux lèvres. Eh bien voyez-vous, il se trouve que les derniers humains que j’ai sauvés de votre destruction me considèrent comme un Dieu. Je suis pour tous ceux qui habitent cette montagne Dieu le Père, leur protecteur. Nous nous retrouvons donc dans un conflit divin, n’est-ce pas ?
-Vous n’êtes pas Dieu. Vous n’êtes qu’un misérable être de boue.
-Oh, voyez-vous ça ? Dans ce cas, voici ma question : quel est le propre d’un Dieu ?
-Pardon ? Qu’est-ce que vous racontez ?
-Quel est le propre d’un Dieu ? Qu’est LA caractéristique que toutes les représentations des dieux ont eu en commun ? Qu’est ce qui fait qu’un être est un Dieu et pas un autre ?
Perplexe, le Dernier Gardien en avait oublié sa colère. Il bafouilla :
-Mais euh… Cette question n’a aucun sens ! Dieu EST, c’est ainsi. Dieu est divin, un non dieu ne l’est pas, c’est absolu. C’est une évidence.
-Alors, posons la question autrement. Vous prétendez avoir atteint le statut de « Dieu », et je le prétends aussi. Alors voici ma question : comment distinguer qui de nous est un Dieu ?
-Oh mais cette question n’a pas lieu d’être voyons, fit le Dernier Gardien avec un rictus. Dieu est immortel. Dieu est éternel, l’homme non. JE suis immortel, pas vous.
-Ah oui ? répliqua Artémis avec un sourire égal. Et si je vous tuais ici et maintenant ?
-Je suis Dieu, bonhomme de boue. Je ne peux pas mourir. Vous ne pouvez me tuer. Au pire vous détruiriez ce corps, mais je réapparaîtrais ailleurs, car rien ne peux me stopper.
-Voyez-vous ça ? Eh bien moi j’ai une autre théorie. On peut tuer Dieu. Mais Dieu détient une chose qu’aucune autre créature ne possède. Quelques soient les religions, toutes celles qui croyaient en un ou plusieurs dieux avaient le même point commun. Je vais vous dire, ce qui me distingue de vous, qui détermine qui est Dieu. Ce qui fait toute la différence, c’est la Vérité.
-Quoi ?!
-Dieu est le détenteur de la vérité. Celui qui sait, celui qui a les réponses, celui-là est Dieu. Quelques soient les religions croyant en une ou plusieurs divinités supérieures, toutes prétendaient posséder la vérité, et les divinités elles-mêmes sont douées d’omniscience ou d’un savoir totale dans le domaine qui est le leur. Le Dieu chrétien est on ne peut plus omniscient tandis que chacun des dieux grecs était expert dans son domaine, par exemple. Voilà la différence fondamentale entre nous : je prétends être Dieu car je possède la vérité, et vous parce que vous croyez être immortel. C’est pourquoi je vous propose de jouer avec moi pour déterminer lequel de nous deux peux se taxer de statut divin.
-Un jeu ? Mais que croyez-vous ! Vous n’êtes rien, Fowl, rien ! Qu’est-ce que vous pourriez bien prouvez avec un jeu ? Et qu’est-ce qui vous ferait croire que j’y participerai ?
-Oh mais vous allez y jouer Dernier Gardien, vous allez y jouer car c’est votre seule chance de repartir d’ici, et aussi parce que c’est votre seule chance de me tuer.
-De vous tuer ?
-Oui, fit Artémis, de me tuer. Voici mon jeu : vous prétendez être de nature divine et j’affirme l’être également. Vous croyez que l’immortalité caractérise Dieu, moi je sais que le propre de Dieu est la Vérité. Nous allons donc jouer là-dessus : il y a sur cette table deux seringues comme vous pouvez le voir, la seringue contenant un liquide vert et la seringue avec un liquide bleu. Les données de base sont extrêmement simples : le liquide vert est un poison mortel auquel je n’ai pas l’antidote, le liquide bleu est un sérum de vérité. Choisissez votre seringue, je prendrai l’autre et nous nous injecterons le liquide en même temps. Pour être sûr qu’il n’y a aucune forme de trahison, je tiens à rappeler que si vous tentez quoi que ce soit ma mort ouvrira la cage de Gabriel qui saura me venger. Si vous croyez réellement que le propre de Dieu est l’immortalité, prenez la seringue verte, puisque vous ne craignez pas la mort. Sinon, mettez fin à mes jours, mais vous devrez subir le courroux de Dieu : la vérité. Et vous êtes un tel lâche que je sais pertinemment qu’il y a des choses que vous ne voulez pas voir exposé au grand jour. Je sais beaucoup de choses à votre sujet.
Artémis désigna les seringues et fixa Le Dernier Gardien avant de dire :
-La Vérité ou la Mort. Choisissez.
*****
Comprenant qu’il n’avait pas le choix, le Dernier Gardien observa fixement Artémis, puis les deux seringues posées devant lui. Sa main se leva avec hésitation, puis saisit en tremblant une seringue.
La seringue verte.
-La Mort ? fit Artémis en haussant les sourcils et en prenant l’autre seringue.
-Oui, la Mort, répliqua le Dernier Gardien en serrant le poing sur la seringue. La Mort pour vous !!! cria-t-il en se jetant sur Artémis et en lui enfonçant la seringue dans le cou.
Artémis hoqueta, fixa avec incompréhension le Dernier Gardien puis s’effondra au sol.
-Artémis ! cria Holly.
-Père !!! hurla Gabriel.
-C'est finit! exulta le Dernier Gardien! Et toi, ajouta-t-il en se tournant vers Gabriel, si tu bouges, regarde ce que ton "Père" avait récupéré et qui traînait ici...
Il brandit le Neutrino d'Holly avant de se tourner vers le coprs d'Artémis.
-Ainsi périt Artémis, le faux Dieu des hommes, s’exclama le Dernier Gardien, exultant. Vous êtes attaqué à un vrai Dieu, vous avez perdu ! Je…
Il s’interrompit soudainement, écarquilla les yeux avant de les baisser vers le corps sans vie d’Artémis.
Qui venait de lui enfoncer sa seringue dans la jambe.
-Mais, que…
Artémis se releva soudainement avant de coller au Dernier Gardien un violent crochet du droit dans le menton, qui renvoya ce dernier dans son fauteuil.
-Surpris ? C’est Butler qui m’a appris ça, avant que vous ne l’assassiniez.
-Vous avez triché ! gémit le Dernier Gardien. Vous devriez être mort !
-Qui a triché ? Vous ! Vous n’avez pas respecté les règles, et vous en payez le prix fort ! Voyez ! clama Artémis en désignant un objet accroché à la tapisserie de déesse armée d’un arc. Un cube rouge.
-Ceci est le cube C, reprit Artémis. Qui, en plus de pouvoir pirater les serveurs d’Haven-Ville, fait aussi office de caméra. Et devinez ce que toute la ville a vu et entendu ?
-Non…
-Oh mais si ! Désormais toutes les fées savent que votre parole ne vaut rien. Mais ce n’est pas ça l’important, vous savez ? Ce qui est vraiment important, c’est que je n’ai pas menti. Ce que vous m’avez injecté contenait réellement un poison mortel. Holly, Gabriel, désolé de vous l’annoncer aussi brusquement, mais je suis mort. MAIS, pour couper court à vos interrogations et à votre tristesse, sachez que le poison ne me fera rien avant… Une heure. C’est un sérum spécial que j’avais développé avant que tout n’arrive. Des nano-robots sont en ce moment en train de se coller à mon cœur, et d’ici une heure ils lui injecteront un puissant sédatif qui va le faire s’arrêter naturellement. Une mort assez douce, et dont je connais l’heure exacte. Il me reste donc une heure pour finir d’accomplir mon œuvre. Et pour cela, j'avais oublié de préciser que le sérum de vérité contenait également un léger sédatif, assez pour que vous puissiez parler mais suffisant pour que vous demeuriez dans l'incapacité de bouger!
Il inspira un grand coup, comme délivré d’un poids, avant de se tourner vers le cube dont la caméra le fixait toujours :
-Peuple des Fées ! Contemplez votre échec ! Voici votre leader ! Celui que vous avez décidé de suivre ! Un tricheur arrogant ! Un menteur prétentieux ! Et bien pire encore… Dernier Gardien ! fit Artémis, je vous accuse présentement, au nom de l’Humanité et au nom de la Terre. Je fais énoncer les points pour lesquels vous êtes accusé, et par le sérum de vérité, que je suis autorisé à utiliser car le traité de l’Atlantide ne s’applique pas aux humains, vous nous direz si vous êtes bel et bien coupables de tous les chefs d’accusation ! Avez-vous compris ?
Le dernier Gardien se contenta de grogner, trop abasourdi pour réagir.
-Je vous accuse de tentative de génocide, pour avoir tenté d’exterminer les êtres humains ! Que répondez-vous à cela ?
-C’est vrai, gémit le dernier Gardien, incapable de mentir.
-Je vous accuse de coup d’état, pour vous être emparé du pouvoir à Haven-Ville sans aucune légitimité ! Que répondez-vous à cela ?
-C’est… vrai.
-Je vous accuse de mensonge et manipulation, en prétendant être divin, tout en sachant parfaitement n’être qu’un imposteur ! Que répondez-vous à cela ?
Le dernier Gardien se mit les mains devant la bouche, pour s’empêcher de répondre, mais le sédatif inclus dans la piqure l’avait trop affaiblit, et tout le monde pu entendre le « c’est vrai » sourd qu’il lâcha.
-Et finalement, je vous accuse d’avoir déclenché une guerre fratricide, d’avoir causé la destruction partielle de la Terre et d’avoir accusé l’Humanité de cette acte ! Je vous accuse, pseudo Gardien, d’être à l’origine de la guerre atomique qui a ravagé la Terre et la vie sur Terre ! Que répondez-vous à cela ?
Tous ceux qui assistait à la scène retenait leur souffle, aussi bien Gabriel et les humains qui suivait la retransmission qu’Holly et le petit peuple à Haven Ville.
-Alors ? tonna la voix d’Artémis.
-… C’est vrai, lâcha le Dernier Gardien, misérable.
-Il a avoué ! martela Artémis, orateur déchaînant son ire. Vous avez déclenché cette guerre, ces massacres, cette extermination de masse, peuple des fées, en usant pour prétexte que nous avions détruit la Terre ? Mais VOUS êtes les coupables ! Vous voilà responsable de génocide et de la destruction de la Terre que vous aimiez tant ! Vous avez contemplé ces déserts radioactifs où rien ne pousse qui désormais parsèment d’innombrables régions de la Terre ? Les avez-vous regardés, comme moi, avec nostalgie, songeant au passé ? Regrettant ce qui était advenu ? Cherchant un coupable ? Eh bien le voilà le coupable : prenez un miroir, et vous le verrez ! Tout est de VOTRE faute !
*****
Un grand silence suivi cette déclaration, à peine interrompu par les gémissant de ce qui fut le Dernier Gardien qui se lamentait au sol.
-Artémis, fit Holly, hésitante, comment avez-vous découvert tout ça ?
-Il y a trois ans, entama Artémis en se rasseyant négligemment dans son fauteuil, il y a bel et bien eu une attaque sur le manoir des Fowl. Et Butler est bel et bien mort. Mais ni moi, ni le reste de ma famille. Parce qu'une personne nous a sauvé.
-Qui ?
Artémis s’avança vers la tapisserie représentant une déesse armée d’un arc : son homonyme grec, la déesse de la chasse ; et l’arracha d’un coup. Derrière se trouvait une statue de pierre, criante de réalisme, représentant… Un démon. Un démon de pierre. Et pas n’importe quel démon.
-Merci, N°1, chuchota Artémis à la statue. Oui, N°1 se trouvait chez moi lors de l’assaut. Il s’y était réfugié, apeuré par les actes qui se déroulaient en bas. Je lui avais proposé de passer quelques jours chez moi, pour que nous puissions débattre un petit peu. C’était un génie de la magie, j’avais un point de vue humain sur la chose, le débat était vraiment intéressant. Il m’a demandé un peu de temps lorsque l’assaut a été lancé. Butler nous en a donné. Au péril de sa vie. Et N°1 a ouvert un portail.
-Un portail ? demanda Holly, intriguée.
-La même chose que lorsque nous avons ramené une île entière, sauf qu’il était seul. Il a créé un portail dans le manoir, qu’il a réussi à maintenir une minute entière. Le temps pour ma famille et moi de fuir. Pas pour Butler.
-Et où êtes-vous allé ?
-Mais au même endroit. Dans le manoir Fowl. Mais cinq ans dans le passé. J’ai dû agir à ma propre insu pendant cinq ans, à détourner l’argent de ma propre famille pour faire bâtir convergence, et ce en secret. M’efforçant de n’attirer ni ma propre attention ni celle du petit peuple. J’ai dû voir le plan du dernier Gardien se mettre en place sans rien pouvoir faire. Je me suis juste légèrement arrangé : en cinq ans j’ai eu le temps de m’infiltrer un petit peu dans vos plans, et de modifier la trajectoire de vos missiles. Je ne pouvais empêcher la destruction de la Terre mais en détournant assez de missile pour que mon action ne soit pas repérable, je pouvais sauver assez de vie pour riposter. Si j’en avais trop fait, vous auriez tout balancé d’un coup en changeant vos plans, et cinq années de lutte secrète aurait été réduite à néant. J’ai vu la fin du monde. Pour mieux le sauver. J'ai même laissé un petit message en Irlande, à l'intention du monde .J’ai organisé la survie, la lutte. J’ai préparé ce jour. Je suis allé sauver les futures armes de ce fou. Ils sont devenus mes fils. J’ai bâti le futur de l’humanité. Pour ces hommes et femmes, je suis devenu Dieu.
Il fit volte-face, avant de marcher triomphalement devant le faux dieu des Fées :
-La Vérité, je vous l’avais dit. C’est la vérité qui donne son pouvoir aux dieux. Vos mensonges vous ont détruits, ont détruits la terre, ont détruits la confiance que votre peuple vous accordait et s’accordait lui-même. Voici votre échec ! Malgré ma mort imminente, je continuerai de guider mon peuple, tandis que vous l’avez mené à sa déchéance la plus totale. Voilà ce que vous n’avez su comprendre ! Voici ce qui fait mon pouvoir divin !
Il saisit la télécommande et déverrouilla les cages qui enfermaient Gabriel et Holly
-Commandant Short ?
-Oui Artémis ?
-Gabriel va emmener ce triste personnage vers la sortie. Il me reste peu de temps à vivre, et j’aimerai vous dire deux mots en privé.
Gabriel acquiesça, et se saisit de ce qui fut le Dernier Gardien, laissant le capitaine Short seule avec le Père, qui éteignit le cube C. Ils étaient seuls.
-Je suis désolé Holly.
-Moi aussi. Je ne désirai pas votre mort.
-Il le fallait. Le seul moyen d’attirer le dernier Gardien, c’était de me mettre en jeu. Le seul moyen de convaincre votre peuple de ce qui se passe, c’était de mettre ma vie en jeu. Et pour que mon peuple aille de l’avant, il fallait que je meure en martyr, pour rester à jamais dans les mémoires et demeurer la force qui les fera avancer.
-Votre peuple… J’ai honte du mien.
-Vous ne devriez pas. N’ayez pas honte de ce que d’autres ont commis parce qu’ils ont réussi. Vous avez tenté de faire ce que vous pouviez.
-Nous avons vécu de belles choses tous les deux. J’aurai aimé avoir de nouvelles aventures. Sauver le monde, tout ça. Vous engueuler, vous regarder grandir. Au total, j’aurai raté huit ans de votre vie, avec ce retour dans le temps.
-C’est vrai. Mais ce que je regrette c’est de vous avoir condamné à choisir. Vous pouvez rester ici. Il existe une partie cachée de la Convergence que seul moi et quelques rares personnes de confiance connaissons. Là-bas s’y cache ceux qui ne veulent plus rien avoir affaire avec le monde. Mes parents, mes frères notamment. Vous pourriez les rejoindre. Ou retourner à votre peuple, affronter leur haine pour ensuite affronte celle des humains.
-Vous savez ce que je vais choisir.
-Hélas oui. Votre sens du devoir fait partie intégrante de vous, je m’en serai voulu si j’avais du vous faire changer autant après toutes ces années.
-Nous nous connaissons trop. Que voulez-vous me montrer ?
-Comment savez-vous que je veux vous montrer quelque chose ?
-Je vous connais, vous et votre sens du spectacle. La tapisserie avec Artémis dissimulait la statue de N°1. Qu’est-ce qu’il y a derrière la tapisserie d’Athéna ?
Artémis Fowl sourit, et d’un mouvement brusque souleva la tapisserie de la déesse de la guerre, dévoilant… Un mur. Couvert de runes.
-Des runes ? fit Holly surprise. Vous vous essayez encore à la magie ?
-Non. Ces runes-ci, c’est N°1 qui les a tracé il y a trois ans. C’est ce sort incroyablement difficile qui l’a achevé. C’est un portail, scellé par mon sang. Lorsque j’en verserai à nouveau, il s’ouvrira au même endroit mais à l’époque où il a été tracé. Il y a trois ans.
-Vous comptez mourir dans le passé ? A choisir, je pensais que vous iriez mourir dans le futur…
Le ton d’Holly était détaché, mais Artémis senti la tristesse qui s’en dégageait. Il retint un sourire :
-Oh non. Je vais ramener ma dernière carte du passé. Je suis Artémis Fowl. J’ai toujours deux coups d’avance. Je suis le Père. Je ne puis mourir sans laisser un successeur derrière moi.
Sur ces paroles, il sorti un couteau de sa poche, et s’entailla la paume, tranchant symboliquement ce qui était considéré comme étant la « ligne de vie », et appuya sa main ensanglanté sur le mur. A cet instant les runes s’animèrent, brillant comme si elles s’embrasaient, avant de tourbillonner. Artémis recula, tandis que les runes s’unissait dans cette tempête de glyphe, formant un immense disque rouge dans le mur, rouge de feu, qui bientôt s’assombrit pour ne devenir qu’un portail noir. Puis le noir disparut, laissant place à une pièce. La même que celle où ils se trouvaient actuellement, mais trois ans plus tôt. Et une personne les attendait.
-Vous aviez raison en reconnaissant Athéna sur la tapisserie, Holly. Vous auriez juste dû la désigner sous son patronyme romain.
-Bonjour Artémis, fit Minerva de l’autre côté du portail. Comment vas le futur ?
-Aussi mal que prévu bien sûr. Mais déjà meilleur que moi.
-Combien de temps vous reste-t-il ?
-Vingt minutes. Juste le temps de faire quelques adieux. Mes Fils vous expliqueront tout.
-Très bien.
-Je suis derrière cette porte ? fit Artémis, hésitant, désignant une porte dans la pièce du passé.
-Oui. Vous attendez que je parte. Vous venez de m'annoncer que vous alliez venir du futur me chercher, lorsque sonnera l'heure de votre mort, après m'avoir bien préparer à cette nouvelle et à ce que je devrai faire le moment venu. Vous avez bien changé. Vous désirez vous laisser un message peut-être ?
-Non. Il y a trois ans je ne me suis pas aidé, c’est ainsi que tout s’est produit et que tout doit être.
-Alors allons-y, fit Minerva en passant le portail, qui disparut derrière elle et que la statue de N°1 s’effrita soudainement avant de se briser au sol.
-Sa dernière tâche, fit Artémis en réponse au regard interrogateur d’Holly. Il vivait, d’une certaine manière, dans ce carcan de pierre, fournissant l’énergie pour que le portail s’active une dernière fois. Sa tâche accomplit, il meurs désormais en paix. Minerva, veuillez ouvrir la porte s’il vous plaît.
Minerva s’exécuta, et s’arrêta en découvrant les cinq Fils et Filles d’Artémis.
-Voici mes enfants, Minerva. Et les vôtres désormais. Gabriel, Hermès, Odin, Sekhmet, Aditi, le Père est mort ce soir. Alors voici la Mère.
Les yeux humides, Gabriel s’inclina profondément devant Minerva, avant de s’agenouiller devant Artémis, aussitôt suivi par les autres.
-Pas de tristesse, pas un tel cérémoniel pour moi, fit Artémis, gêné.
-Oh si Père, fit Gabriel. Vous méritez nos larmes et tout l’honneur que nous vous devons.
Emu, Artémis alla enlacer une dernière fois chacun de ses enfants, avant de se tenir droit devant eux, le regard dur.
-Ecoutez-bien mes derniers mots. Il me reste peu de temps, alors je ferai simple. Préservez ce pour quoi nous avons combattu. Restez unis. Gardez la foi. Vivez heureux. Et surtout, faîtes toujours la différence entre Justice et Vengeance. Dieu est mort, longue vie à l’Humanité.
Sur ces paroles, Artémis étreignit avec force Holly :
-Désolé Capitaine Short. Je sais vous que vous auriez aimé qu’il en soit autrement. Mais j’ai vécu pleinement ma vie, je suis devenu Dieu et j’ai choisi ma mort. Je pars sans regret. Mon destin aura été à la hauteur d’Artémis Fowl II.
-Une dernière chose, Artémis: pourquoi continuez-vous de m'appelez Capitaine malgré mes promotions puis désaffectation?
-Parce que vous serez toujours la même que celle que j'ai rencontré à l'âge de douze ans. Vous étiez celle qui a le plus influencé ma vie, je me dois de garder ce souvenir toujours vivant.
-Alors adieu Artémis. Merci d’avoir cru en moi. Vos enfants verront que les Fées ne sont pas toutes comme le pseudo gardien et ceux qui le suivaient, j’en fais le serment.
Artémis sourit, avant de se tourner vers Minerva :
-Il nous reste cinq minutes, très chère. Me feriez-vous l’honneur d’une dernière danse ?
-Avec plaisir Artémis, lui répondit la jeune femme en souriant.
Respectueusement, les cinq Enfants d’Artémis sortirent, le regard embués. Holly les entendit clamer, probablement à tous les humains qui attendaient derrière, les dernières paroles de son vieil ami : « Dieu est mort ! Longue vie à l’Humanité ! ». Elle s’apprêta à les suivre, mais, tenant la porte, elle se retourna une dernière fois vers Artémis Fowl II, héritier des Fowl, le Père.
-Artémis ? N’avez-vous réellement aucun regret ?
Le Dieu des humains eu un sourire attristé avant de tendre la main vers le ventre de Minerva, une larme coulant sur sa joue.
-Si, mon amie. Un seul. J’aurai aimé voir grandir mon sixième Fils.
En espérant avoir viser assez haut et sans avoir voulu être présomptueux, et malgré l'intervention de variantes de personnages de mes propres histoires, voici comment devrai finir pour moi la saga Artémis Fowl. Et je compte sur Eoin Colfer pour me proposer encore mieux