Claire Hayon regardait sa sœur jumelle, Elodie, qui ne
cessait de tourner en rond. Les deux filles avaient quatorze ans. Il est
inutile de décrire les deux séparément car, comme la plupart du temps, l’une
était le portrait exacte de l’autre. Donc, elles avaient de longs cheveux
bruns, des lèvres plutôt épaisses et des yeux verts.
« Pourquoi ne te poses tu pas un instant ?
Explique-moi ce qu’il se passe enfin ! Demanda Claire.
- Tu te rappelles bien que l’année dernière, nous sommes
parties en vacances dans le Wyoming, aux Etats-Unis ?
- Oui, évidemment ! C’est là que nous avions
rencontré Andrew.
- Tu te souviens également qu’il m’avait dit qu’il
m’enverrait des lettres ?
- Euh… C’est possible.
- Eh bien voilà, il a tenu sa promesse.
- Je ne vois pas le problème, au contraire, c’est
super ! »
- Lis-là, tu comprendras » Claire saisit le papier
et commença sa lecture :
Cher Elodie, tu te
rappelles peut-être de moi… Tu remarques aussi que j’ai appris à écrire le
français. J’espère que tu vas bien et que Claire se porte à merveille !Il s’est passé quelque
chose de grave chez moi. Je suis tout seul et je ne sais absolument pas quoi
faire. J’ai réussi à te faire parvenir cette lettre par la poste de la ville
voisine en demandant à une dame de la déposer dans une boîte aux lettres. Tu
dois te demander, pourquoi je ne l’ai pas fait moi-même ! C'est-à-dire
qu’il y a une semaine environ, je me suis réveillé et il n’y avait plus
personne dans mon village. Mes parents n’étaient plus là non plus ! Au
départ, je ne pensais pas à quelque chose d’inquiétant en particulier, mais le
soir, constatant que personne ne revenait, je parti à la recherche de mes
parents. Je parcouru la ville avec une certaine crainte. De quoi ? Je
ne sais pas exactement mais elle était là. Arrivé à la limite du village,
j’essayai de sortir de cet endroit déserté, mais une sorte de barrière
invisible m’en empêchait. Tu ne dois pas me croire, cela parait tellement
irréelle ! Cependant, lors de ta venue au Wyoming, j’avais remarqué
quelque chose d’étrange chez toi et ta sœur. Ne le prends pas mal s’il te
plaît. C’était simplement une observation… Voilà, donc si tu penses pouvoir
m’aider, je t’attends volontiers. Si tu n’as pas envie ou si tu ne me crois
pas, ne te force pas ! Seulement, si tu pouvais montrer cette lettre à ta
sœur, ce serait très gentil de ta part.
A bientôt j’espère Mille bisous. Andrew 5 rue des arbres, Saying (5 trees
street) « Waouh ! C’est incroyable. Euh, par contre, il va
falloir que je t’avoue une chose. En tant que jumelles, j’aurai dû te le dire
depuis si longtemps. Je m’excuse d’avance et je t’en conjure, ne le prends pas
mal. Essaye de comprendre, supplia Claire.
- Je peux savoir de quoi tu parles là ?
- Tout ce qu’il
raconte, dans sa lettre, c’est vrai. Il n’a rien inventé.
- Ah ? C’est
bien ce que je pensais, Andrew est un garçon sincère…
- Non, ce n’est pas
cela que j’essaye de t’avouer.
- C’est quoi
alors ?
- Tout ce qui lui
est arrivé s’appelle la « science cachée » ou « fondement
dissimulé ».
- Hein ?
- La science cachée
n’est pas de la magie. Tout est basé sur un sujet : les barrières de la
vie.
- Comment sais-tu
tout cela et pourrais-je exploiter ce domaine ?
- Je l’ai su un
matin, en me réveillant, tout à coup, la science cachée me paraissait naturelle
comme si je connaissais ce fondement depuis la naissance ! Et, j’ai appris
qu’il faut deux conditions pour qu’une personne puisse avoir ce don :
connaître l’existence de cette science et l’apprendre par une personne de sa famille.
- Alors, j’ai un don !!!
- Oui.
- Tu aurais quand même pu m’en parler avant !
- Oui, je n’ai pas osé.
- Admettons… Et toi, qui te l’a donné ?
- Je crois qu’il m’est venu tout seul, ça arrive parfois ! C’est d’ailleurs ce qui a dû se passer pour le premier.
- Logique. »
Les deux jumelles parlèrent ainsi toute la soirée. Elodie fit un rêve étrange
avec Claire déguisée en barrière qui lui disait : « Il te manque
Andrew ? C’est moi qui l’ai tué » Celle-ci se réveilla en sursaut et
réfléchit à une question qui la tracassait depuis hier soir : Comment
aller en Amérique depuis la
France en moins d’une semaine ? Leurs parents
n’accepteraient jamais une telle chose ! Elles devaient trouver un plan.
« Claire ?
- Oui ?
- Il est nécessaire
de trouver un plan pour aller en Amérique sans que les parents s’en
aperçoivent !
- On pourrait utiliser nos pouvoirs.
- Et, on ferait quoi précisément et comment ?
- Je t’explique… » Toutes deux allèrent prendre leur petit-déjeuner. Les
tartines à la confiture de framboises étaient délicieuses. Elodie but son verre de jus d’orange habituel tandis que Claire mangea un kiwi recouvert de chantilly. Toutes deux demandèrent à leurs parents si elles pouvaient faire un petit tour dehors, pour prendre l’air. Ceux-ci acceptèrent et les jeunes filles se placèrent chacune devant les deux portes d’entrée possible de la maison.
Elles levèrent les bras, imaginèrent une barrière autour de la maison, et, le
plus important, choisirent le type d’enceinte. Ce choix était appelé parmi les cinq possibilités réalisables :
1.
barrière qui t’empêche de sortir de celle-ci (sans doute celle utilisée
chez Andrew.)
- barrière qui fait oublier, à ceux qui sont à
l’intérieur, les créateurs de cette enceinte. Les personnes n’ont plus la
notion du temps et les horloges ou les montres ne fonctionnent plus.
- barrière qui fait oublier à tout le monde qui tu
es. Personne ne peut te voir, t’entendre ou te sentir. Ceci fonctionne pour toutes les
personnes étant à l’intérieur de cette entourage.
- barrière utilisée pour une seule personne. Cet
humain oublie absolument tout, dans le temps désiré de la barrière. A ce
moment, il ne fait rien, il a comme un blocage.
- barrière qui protège l’endroit limité. Personne
ne peut y entrer ou y sortir.
Les jumelles choisirent la deuxième possibilité, ainsi, leurs parents ne penseront plus à elles et ne percevront même pas le temps de leur voyage. Il fallait simplement espérer que
Claire et Elodie reviendraient car sinon, leurs parents ne se rappelleraient
jamais d’elles.
« Tu as bien pris l’argent ?
- Oui, mais je ne me sens pas très bien. Ça
n’est pas correct de voler de l’argent à ses parents.
- C’est certain… Mais c’est pour une bonne
cause. Je suis sûre que si on avait pu leur expliquer, ils n’y auraient vu
aucun inconvénient !
- D’ailleurs, pourquoi on ne leur a pas expliqué, tout simplement ?
- Nous ne disposons pas de ce droit.
- Ah… »
Les Hayon partirent en avion. Elles possédaient un passeport car, il y a quelques mois, ces dernières étaient parties en vacances en Australie. Celles-ci connaissaient bien l’avion, pour l’avoir pris de nombreuses fois. Arrivées à l’aéroport de Seattle, elles montèrent dans le train en direction de Cheyenne puis arrivèrent enfin en bus à Casper, ville voisine de Saying. Les deux sœurs se souvenaient parfaitement du chemin. Le paysage était exactement comme la dernière fois. Les arbres bien verts parcouraient le
long de la route avec régularité, l’herbe verte se penchait sous le souffle du vent, les oiseaux
sifflotaient, quelques chats passaient de temps à autre. Rien d’inquiétant en tout cas ! Soudain, les arbres disparurent, l’herbe également les oiseaux dormirent plus aucun chat n’apparut. Ceci laissa place à un village déserté.
On pouvait tout de même voir, sur la pancarte penchée du côté, le nom du village : « Saying » ! Enfin, elles y étaient parvenues ! Seulement, cette commune paraissait si vide, sans joie, dépourvue de toutes activités habituellement remarquées, en conclusion, il n’yavait
rien du tout… C’est alors qu’un jeune garçon, les yeux bleus, de taille moyenne, les cheveux bruns et ébouriffés, bien vêtu et l’air étonné apparut. Les jumelles le reconnurent immédiatement, malgré quelques petits changements chez lui.
« Andrew !!!
- Claire ? Elodie ?
- C’est bien nous, répondirent-elles au même moment.
- Comment avez-vous faits pour passer la barrière ? Et vos parents ? J’avais raison, vous savez quelque chose que peu de gens savent ?
- Euh… Tu vas bien ?
- Oui, désolé. Et vous ?
- Bien, bien merci. A propos de toutes ces questions, on peut aller chez toi, pour parler de tout ça ?
- Oui, bien sûr ! C’est par ici, venez ! » Les filles le suivirent. Une fois
la porte franchie, la maison semblait pareille que la fois précédente, à
quelques détails près. Les rideaux autrefois bleus avaient laissé place à de
nouveaux rideaux plus modernes, en blanc. La table circulaire était toujours là mais les chaises avaient changé. Elles demeuraient brunes et noires avec un dossier confortable tandis que les anciennes étaient grises et dures. Le reste semblait inchangé. Les dessins enfantins d’Andrew étaient toujours accrochés aux murs du salon. La présence du canapé et de la télé placés au fond de la pièce leurs étaient également familier. En dépit de tout cela, cette maison restait considérablement moins chaleureuse et moins vivante que la fois passée. Le lendemain, les amis se réveillèrent tard. Ils avaient en effet parlé longtemps la veille !
« Tu veux du jus d’orange ? Proposa Andrew à Elodie. Ils prenaient leur petit-déjeuner.
- Je veux bien merci.
- Donc, aujourd’hui, nous savons bien ce que chacun doit faire.
- Oui, Andrew, tu te rappelles de tout ?
- Oui, les cinq
minutes, la barrière… Je suis au point, enfin j’espère… !
- OK. » Elodie marcha tranquillement
jusqu’à la rue Jefferson, à la limite du village. Claire fit de même en allant
à la rue Jenner, à l’opposé. Andrew, lui, se plaça au centre de son village.
Il se rappela clairement quand Elodie lui demanda : « Il n’y a pas de
centre historique à Saying ? » Et, lui qui lui avait répondu qu’on
était aux Etats-Unis et que ce pays n’avait été fondé que récemment par rapport à la France !
L’air étonné d’Elodie et de sa sœur l’avait fait sourire. Bref, Andrew leva les
mains et attendit dans cette position inconfortable. Une lumière violette se
montra et se posa au creux de ses mains. C’est alors qu’une sensation de fierté et de réconfort l’envahit.
Pendant ce temps, les jumelles étaient bien plus stressées. Quand elles firent appel à leurs pouvoirs, quelque chose d’étrange se passa. Claire comprit vite, mais Elodie, ne saisit pas. On voyait bien qu’Elodie utilisait son fondement pour la première fois. Mais il ne s’agissait pas de cela. Le fait qu’elles étaient jumelles ne demeurait pas anodin. Les adolescentes possédaient des pouvoirs plus puissants lorsqu’elles les utilisaient ensemble. Malgré cela, Andrew géra très bien cette force. Les deux sœurs imaginèrent le village sans barrière et rempli de gens. Cette fois, elles
n’eurent pas besoin de choisir la barrière mais seulement de trouver laquelle avait été utilisée et de créer une « contre barrière ». Cela permettait de supprimer l’ancienne et même de protéger l’endroit. Seuls Andrew, Elodie et Claire pouvaient en reformer une nouvelle. Tous réalisèrent ce qu’ils avaient à accomplir, et d’ailleurs, tout
fonctionna correctement. Tout à coup, tout le monde réapparut et le village demeura vivant et joyeux. Seulement, personne n’avait remarqué quoi que ce soit. Tout le monde faisait comme si tout était ordinaire. De toute façon, les jumelles saluèrent rapidement Andrew qui les remercia infiniment. Le jeune homme déposa deux bisous sur les joues des filles. Elles rougirent en même temps ! Mais celles-ci se dépêchèrent pour que personne ne les interpelle. Ces dernières montèrent dans le premier avion possible et, après de nombreuses heures, arrivèrent enfin à Paris. Arrivées à la maison, elle s’empressèrent d’enlever leur propre barrière et rentrèrent à la maison.
« Qui
avait fabriqué la barrière à Saying, et pourquoi ?
- Je ne sais pas,
répondit Claire, en tout cas, on a bien fait d’offrir notre fondement à Andrew.
- Oui, mais il y a
quelque chose qui me tracasse.
- Quoi ?
- Pourquoi nos parents ne sont pas là, ni dans la maison, ni dans le jardin, et il n’y a même pas de mot alors que s’ils partent seulement faire les courses, ils nous préviennent !
- Euh… »