Et voici
enfin ma participation au concours V ... bonne lecture !
(
chapitre 1 /
chapitre 2 & 3 /
Chapitre 4)
Chapitre 5 : le PROJET
Un instant, les Conseillers jubilèrent. Ils avaient déjoués les machinations légendaires d’Artémis Fowl ! Mais leur victoire ne fut que très passagère. Car, loin d’être abattu, le génie précédemment cité venait de relever la tête ; et il arborait ce sourire dont il avait le secret, ce sourire, digne d’un vampire, instillant à ses interlocuteurs un sentiment identique à celui d’un lapin face à un loup.
- Bien, je me vois contraint de recourir aux grands moyens. Vous l’aurez voulu. Car il se trouve que je suis désormais, depuis peu, juridiquement majeur.
- Et qu’est-ce que cela est supposé changer ? eu l’audace de lancer Baroud, goguenard.
-
Tout, voyons. Cela … me donne le droit de faire … ceci, dit-il en s’approchant du banc sur lequel patientaient les représentants des FARs. Avec une soudaine emphase, qui ne lui ressemblait pas, il s’adressa à son auditoire, une lueur de passion au fond des yeux et un large sourire aux lèvres.
" J’ai l’honneur de vous présenter " … ma fiancée ! Fit-il, exultant, bien en face d’un officier. D’un officier féminin.
Le temps sembla se suspendre en plein vol ; ahuris et abasourdis, les six membres du Grand Conseil, les trois Commandants de Région, les capitaines de réserve et un modeste consultant, mirent quelques secondes à assimiler ce que venait de dire Fowl ; lequel les mit à profit pour prendre la main de sa " promise ". Et cet officier, c’était le caporal Frond.
Un tumulte sans nom s’empara soudain de la salle ; on pouvait entre autre entendre Holly, hurlant qu’aucun crédit ne devait être apporté à cette déclaration … Rouge pivoine alors qu’Artémis s’approchait, c’est verte, de rage ou de jalousie ? qu’elle demandait à présent à ce qu’on lui tire dessus au Neutrino. Mais étais-ce réellement là une facétie d’
Orion ?
Les membres du conseil, quant à eux, médusés, amorçaient un geste pour quitter la table des négociations, semblant désormais plus outragés qu’amusés, à la vue de leur adversaire, de toute évidence inapte et incapable de sérieux.
La réaction la plus posée, étrangement, fut celle de Lili Frond elle-même, que la stupeur cloua sur place, muette d’étonnement et regardant intensément le bonhomme de boue qui venait de demander sa main. Minerva n’eut pas ce self-control, en s’adressant à son acolyte d’une voix où perçait la colère.
- Allons, Artémis, vous devez vous reposer … ce surmenage, le stress, la maladie … votre place est à l’hôpital, où vous pourrez vous reposer … Laissez-moi …
Mais elle fut coupée. Car d’un geste, d’un seul, Artémis venait d’obtenir le silence. Il venait, semble-t-il, de faire apparaître
ex nihilo, entre ses mains, un exemplaire, richement orné de symboles féériques et adaptée à sa taille d’humain, du Livre des Fées. Un tome visiblement fabriqué artisanalement, sur du vélin, et manuscrit, de toute évidence spécialement créé pour l’occasion. D’un choc de sa cane au sol, le génie troqua en une fraction de seconde ses haillons pour un costume flambant neuf, dont il rajusta adroitement le col ; il lâcha sa cane métallique, laquelle resta parfaitement verticale, et se mua, avec force technologie, en un pupitre, sur lequel le jeune homme posa le lourd volume. Puis, esquissant un geste d’une correction qui n’aurait pas dépareillé à la Cour d’Angleterre, il sorti un minuscule écrin de sa poche, et le présenta à Mirscant.
- Voulez-vous bien être mon témoin ?
Vif et raide comme un soldat au garde à vous, le gnôme acquiesça d’un signe de la tête. Artémis lui tendit la cassette, marquetée et ouvragée, l’entrouvrant un instant : deux bagues en or, très sobres, l’une adaptée aux mensurations humaines, l’autre, de toute évidence à un doigt elfique, y reposaient. Ce dernier s’avança alors vers Lili, lui adressant ces mots d’une voix suave.
- Ma chère, je vous invite à m’accompagner : nous allons nous marier sur le champ.
Cahartez, fulminant, s’approcha alors du couple :
- Artémis, mon garçon, que signifie cette plaisanterie ?
- De quelle plaisanterie parlez-vous, voyons ? Vous m’en savez incapable : je suis tout ce qu’il y a de plus sérieux. D’ailleurs, j’allais justement vous proposer de nous unir. Votre prérogative ne vous en donne-t-elle pas le pouvoir ?
- Hors de question ! Je ne me prêterais pas à cette mascarade !
- En êtes-vous si sûr ? répondit l’ardent damoiseau, d’un timbre de voix si enjôleur, si irrésistible, que le vieil elfe le regarda, incrédule, avant d’opiner du chef, qu’il avait d’ailleurs très imposant, du fait de son chapeau démesuré. " Bien. Je n’en attendais pas moins de vous. "
Revenant auprès du Caporal, il posa délicatement sa main sur son avant-bras, et se posta, à côté de sa future épouse, devant le pupitre, faisant signe à Cahartez de venir officier derrière le Livre. Le Président du Conseil, la voix soudain pâteuse et monocorde, commença la lecture des formules d’usage, dans une salle où tout le monde, prostrés, attendait en vain une explication à la scène surréaliste qui se jouait sous leurs yeux. Foaly fut le premier à comprendre. Attendit patiemment son heure. Tenta le tout pour le tout.
- Mr. Artemis Fowl, deuxième du nom, voulez-vous prendre Liliane Frondelfe pour épouse ?
- Oui, je le veux.
- Liliane Frondelfe, voulez-vous prendre Artemis Fowl II pour époux ?
- Je … le … veux.
- Si quelqu'un dans la salle s'oppose à ce mariage, qu'il se manifeste sur le champ …
- Moi ! Je m’y oppose ! Cria le centaure, frappant machinalement du sabot le sol de marbre. Cette elfe est sous l’emprise du Mesmer, et n’est aucunement consentante ! Ce mariage est dicté par l’intérêt de Fowl, et il compte …
Mais le vénérable centaure fut interrompu par un rayon pourpre émanant de l’étrange arme de Mirscant.
- …
Et qu'il se taise à jamais !
Avant même de toucher le sol, Foaly s’était désintégré. Littéralement, instantanément et intégralement.
La vie tient-elle vraiment à si peu de choses ? En cet instant, de stupeur, d’horreur et de terreur, les témoins de cet assassinat de sang-froid, outre l’immense tristesse de perdre, selon leur position, un ami, un précieux collaborateur, un génie … ainsi que leurs espoirs de contrecarrer l’offensive informatique du virus, prenaient soudainement conscience de la gravité de leur situation. Tout comme de la possible imminence de leur mort, accessoirement. Holly fut ceinturée par Baroud, Minerva eu un hoquet de surprise … Mais ce fut à peine si Artémis, de marbre, daigna ciller.
Le criminel prit alors la parole :
- Est-ce que quelqu’un
d’autre s’oppose à ce mariage ?
Ce fut Lope, un autre Conseiller, qui s’avança, non sans accuser le coup lui aussi, et avec une voix plus fluette encore qu’à l’accoutumée :
- Est-ce vrai ? Cet humain pratique-t-il le Mesmer, présentement ? Si c’est le cas, il doit …
- C’est le cas, Conseiller, rétorqua Artémis. Mais je ne vois pas en quoi cela change la donne.
- Vous savez parfaitement que l’emploi du Mesmer par un être féérique …
- Quel être féérique ? Je n’en suis pas un, je m’affranchis de vos lois. Poursuivez, Cahartez.
- En vertu des pouvoirs qui me sont conférés, je vous déclare donc mari et femme !
S’ensuivi alors une détonation : Lili venait de subir, à bout portant, le tir de d’une arme identique à celle de Mirscant, qu’Artémis avait sorti du revers de sa veste.
Ce fut, probablement, le premier mariage de l’histoire où aucun hourra ne retenti à l’annonce de ce qui sonnait, paradoxalement, comme une sentence. Le contraste avec la mine enjouée d’Artémis, lequel ne lui avait pas accordé un regard, n’en était que plus frappant.
- Mes chers Fées, je vous inviterais dès lors à vous adresser à moi par mon titre : je suis à compter d’aujourd’hui Prince consort de la dernière descendante des Frondelfes. Et contrairement à mes prédécesseurs, je revendiquerais, de par mon rang, quelques privilèges prévus à mon égard.
Il feuilleta alors l’ouvrage, se rendant dans le dernier feuillet, celui des appendices, postérieurs à la rédaction du Livre original, il y a plus de 10 000 ans. S’éclaircissant la voix, il lut, assuré, une citation de ce recueil de lois surannées.
« S’il revient au Peuple de décider, désormais par lui-même, d’apporter une modification aux lois que nos vénérables conseillers ont édictés, l’Héritier mâle de la dynastie des Frondelfes garde la possibilité d’exercer un droit de veto sur toute abrogation de loi, coutume ou autre élément des règles de la société ayant dépendu de leur juridiction durant l’Ancien Régime. » Vous en souveniez-vous ? Je ne m’étonne pas que non : cette loi était à l’origine destinée à faciliter la transition de régime, en laissant aux Frondelfes et à leur Cour, dont ils étaient les représentants, une certaine mainmise sur le respect de leur sacro-saint Passé. Depuis, les modifications du Livre concernant leur héritage se comptant sur les doigts d’une main, la loi est bien désuète.
Pourtant, je vous l’assure, elle est primordiale dans notre situation : réfléchissez un instant. Quel vestige de votre illustre Histoire avez-vous récemment renié ? Ah, vous touchez du doigt ce dont je veux bien sur parler : l’abrogation du Grand Sortilège, qui vous empêchait depuis des temps quasi-immémoriaux d’entrer dans les demeures humaines sans invitation. Ce que personne aujourd’hui, à part un vieil historien que vous aviez bâillonné pendant le référendum, effectué ces derniers mois, ne sait encore, c’est que ce Sortilège ne limitait pas que votre accès à nos maisons. Il constituait en réalité un contrat, un pacte inter-espèce, destiné à mettre un terme aux Guerres d’Atlantide.
Permettez-moi d’adopter le ton professoral convenant à cette leçon d’histoire, dont vous aurez bien besoin. Ces guerres antédiluviennes entre humains et Fées, dont le dernier jalon fut la célébrissime Bataille de Taillte, débouchant sur l’exil des Elfes, des Gnômes, des Centaures, des Félutins, des Nains, des Gobelins et des Trolls, ainsi que la mystérieuse disparition des Démons, s’achevèrent en effet sur un armistice méconnu, totalement occultée par votre amertume devant les contraintes qu’il fait peser sur vous. Cet armistice, engageant Humains, d’une part, et Fées, de l’autre, j’en ai effectué une copie : la voici.
Nous, Peuple fédéré des Êtres Magiques, nous engageons, et nos enfants après nous, à respecter envers le Peuple des Hommes les engagements suivants : 1. L’interdiction formelle de pénétrer sans l’autorisation de son propriétaire dans une demeure humaine ; 2. L’exil dans les profondeurs de notre Terre Mère, et l’interdiction formelle de reparaître à la lumière du jour ; 3. L’entrave de la pratique de la Magie, limitant nos pouvoirs au Mesmer, à nos dons naturels, au Bouclier et à la Guérison ; 4. La prohibition de l’usage desdites magies à des fins criminelles. - - - - - En retour, Nous, Peuple des Hommes, nous engageons, et nos enfants après nous, à nous soumettre envers le Peuple fédéré des Êtres Magiques, aux procédures suivantes : 1. L’oubli collectif par Magie de l’existence du Petit Peuple, et de l’histoire commune de nos relations ; 2. L’oubli collectif, par la Magie, de la Magie, et la disparition de sa pratique dans nos rangs.
CES ENGAGEMENTS, INALIÉNABLES ET ÉTERNELS, SERONT PLACES SOUS LE SCEAU D’UN SORTILÈGE, QUI ASSURERA IMPARTIALEMENT L’APPLICATION DE LOURDES SENTENCES ENVERS CHAQUE TRANSGRESSION A CES ARTICLES. LES FÉES RENÉGATES PERDRONT LEURS DERNIÈRES APTITUDES DE MAGIE, ET SERONT EXILÉES DES LEURS ; LES HUMAINS MARCHANT SUR LES TRACES DE LEURS AINES SORCIERS SUBIRONT UN TERRIBLE CONTRECOUP MAGIQUE, QUI LES TUERA.
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A la lecture de cette dernière clause, l’assemblée tressaillit. Les humains, des magiciens ? Comme si ces sauvages n’étaient pas déjà bien assez dangereux avec leur seule cruauté, et leurs technologies pour la servir !
Laissant à tous le loisir d’assimiler ces révélations Artémis repris son monologue.
- Lorsque j’ai moi-même découvert cette clause, suite à une intuition que j’ai eu lors du voyage de retour d’Hybrias, je n’ai pu m’empêcher de me demander si cet antique sortilège avait encore cours, et dans quelle mesure. J’ai personnellement expérimenté le prix de mes études dans les arts occultes, et du vol d’une parcelle de la magie générée par le tunnel spacio-temporel ; mais à l’instar de la malédiction qui s’emparait de vous sitôt à l’intérieur d’une enceinte humaine, ce châtiment est affaibli … enfin, il l’était y a de cela un certain temps, maintenant.
Car à la seconde où vous avez défait ce qu’avaient fait vos ancêtres, usant de la magie démoniaque, insoumise aux limites que vous vous étiez-vous-mêmes imposés, vous avez libéré les humains de leurs propres entraves. Je suis désormais capable, tout comme vous, d’utiliser mes pouvoirs, moyennant quelques migraines résiduelles ; et je vous l’annonce tout de suite, le phénomène n’en est qu’à ses débuts.
Déjà, certains enfants humains naissent avec des dispositions magiques ; mais cela, vous le saviez déjà, puisque vous les étudiez en ce moment même comme des souris de laboratoire, dans la Section 8. Déjà, des talents étranges, oubliés dans la brume des âges, ressurgissent chez certains de vos plus jeunes enfants. Mais cela, vous le savez aussi. Ce que vous ignoriez, c’est qu’une secte d’illuminés a déjà réussi le prodige de guérir miraculeusement d’un cancer l’un de leurs membres, par la seule force de leurs esprits ; ce que vous ignoriez, c’est qu’un soudain engouement pour l’occultisme pousse un nombre croissant de personne à se renseigner sur les Leys, ces lignes de force qui jalonnent la Terre, entrelaçant de leurs tracés vos sites les plus sacrés ; ce que vous ignoriez, c’est que l’humanité est au bord de l’Eveil. Ou plutôt, du Réveil.
De votre côté, les symptômes n’en sont que pires : feu l’ex-capitaine Turnball Root avait recouvré, malgré son impressionnant passé criminel, des capacités magiques mineures, et même développé des talents aujourd’hui encore interdits par le Pacte. C’est grâce à eux, indubitablement, qu’il a pu s’échapper, et causer la désolation dont on le reconnait aujourd’hui coupable.
En réalité, le résumé de ce savant exposé est très simple : en rompant votre parole, vous nous avez déliés de la nôtre ; et pire erreur ne pouvait arriver, pour un Peuple souhaitant garder l’anonymat, non ?
Croyez-le ou non : cette position me satisfait au-delà de votre entendement. En effet, je suis désormais le seul, et le dernier, à pouvoir annuler le démantèlement du Sortilège. Si je le voulais, je serais en mesure, dès maintenant, de décréter le veto, et par mon statut, qui m’en laisserait le pouvoir devant la Magie des Anciens, invalider l’abrogation du Sortilège. Tuez-moi, renvoyez-moi, essayez de vous jouer de moi, et vous serez condamnés ; écoutez-moi, et je puis vous accorder un sursis.
- Un sursis ? Serais-ce un mauvais choix de mots, ou une plaisanterie !? s’écria Cahartez. Vous laisseriez aux humains la liberté de recouvrer leurs pouvoirs, alors qu’eux-mêmes se sentent dépassés par la puissance de leurs armes, toutes plus dévastatrices les unes que les autres ? Vous êtes cinglé ! Cela n’amènera l’histoire qu’à se répéter, avec une nouvelle Guerre d’Atlantide ! Où irons-nous, cette fois ? Dans l’Espace ? conclu-t-il, un rire jaune au visage et assez de rides de soucis au front pour que l’on croie à un code barre.
- Non, répondit le jeune surdoué, s’enflammant peu à peu. Car vous m’avez, moi. Et je puis, non seulement réconcilier nos peuples, mais les faire avancer, main dans la main, vers la paix et la tolérance. Notre génération avait un défi à relever : celui de préserver l’Environnement. Mais elle est en train d’échouer. Il nous faut votre aide, pour rendre à la Terre la fertilité et l’abondance de l’Eden des origines. Face à cet objectif, cette course contre la montre, nos civilisations unies sauront apaiser nos rancœurs millénaires, afin que le secret de votre existence ne soit plus de mise. Mais surtout, et Artémis se tourna vers Mirscant en prononçant ces mots, je me projette comme le futur ambassadeur des Humains auprès du Peuple, dont je pense, vous en conviendrez, assumer le rôle : nous vous accorderons, en échange de cette aide et de cette confiance, ce qu’aucun de nos ancêtres n’a cédé aux vôtres … la vie en Surface.
A ces mots, Mirscant harangua ses fidèles, leur signifiant la victoire. Et ces derniers, exultants, emplirent la salle de vivats de remerciements. Le regard soudain perdu dans le lointain, les expressions de Fowl repassèrent de l’exultation à la froide indifférence qui lui était coutumière, tandis qu’il toisait l’assistance. Seule Holly eut le suprême privilège d’échanger avec lui un regard plein de haine, qu’il lui rendit sans ciller, pensif.
- Nous referons un référendum, Fowl ! Cria un Membre du conseil, la voix imperceptiblement teintée de panique.
- Que vous perdrez. Désormais, j’estime avoir le droit de défendre mes opinions en tant que votre opposant politique ! Et dites-moi … pensez-vous vraiment pouvoir gagner un débat contre moi, en vous arque boutant sur votre politique passéiste, reliquat décrépit d’une ambition conservatrice ? Les Fées, aujourd’hui, ne veulent plus se cacher : elles veulent la liberté, et la possibilité de marcher à nouveau en Surface !
- Nous … Nous ferons tout le nécessaire pour protéger le Peuple des revendications de quelques têtes brûlées, qui ont oublié ou n’ont jamais connu les ravages de la guerre !
- Belle mentalité ! Votre arrogance et votre désintérêt de la condition de vos concitoyens vous perdra. D’ailleurs, à supposer que vous puissiez le falsifier, cela ne vous donnerait pas le pouvoir de recréer ce qui a été détruit : le contrat est rompu, les parties, à chacun de leurs abus, élargissent leurs possibilités mutuelles.
- Désormais, nous avons des Sorciers pour nous appuyer dans cette tâche ! Qwan et N°1 le répareront …
- Oh, quel dommage ! Je pense qu’il leur est arrivé malheur. Tous les deux, bêtement. Et savez-vous ce qu’ils avaient en commun ? Leur race. Vos canons à ADN, une fois re-calibrés et alimentés par notre plasma modifié, ont été d’une efficacité … dévastatrice. Je doute que vous trouviez jusqu’au moindre
résidu de la Huitième Famille à des kilomètres à la ronde. Mais n’y voyez aucune insulte à la condition démoniaque : je parle au sens propre.
C’est sur ce ton presque guilleret qu’Artémis leur annonça que qui apparaissait comme un génocide, sans se départir de l’extrême détachement qu’il affectait.
- Vous … vous êtes un Monstre ! Vous avez
vraiment …
- Et à supposer que vous puissiez le faire sans eux … le ferrez-vous à temps ?
Il a fallu des années aux meilleurs des mages de l’antiquité pour le mettre au point ; que comptez-vous faire dans l’intervalle, lorsque les humains seront à vos portes ? Enchaina Artémis, goguenard.
- Comment pourriez-vous alors y prétendre ? S’il est impossible de revenir en arrière, que pouvez-vous encore nous promettre ?
- Ah ah ah ! Ânonna le prodige. Je n’ai pas dit que c’était impossible ; d’ailleurs, ce mot a une fâcheuse tendance à disparaître de mon vocabulaire. Je suis désormais l’égal de vos Sorciers, du moins pour ce qui concerne le fait de conduire un Rituel ; et le seul à permettre la réussite de celui-ci, d’ailleurs. Quant à la manière dont j’ai rassemblé ces informations … J’ai mes méthodes. Et la Science en est la clef de voute ! Quel dommage que les centaures, eux, ne pratiquent la magie ! conclut-il, la commissure des lèvres agitée par un tic nerveux, malgré une soudaine façade de marbre, aux accents presque
mortuaires.
Les huit Vénérables se réunirent alors pour délibérer, chuchotant entre eux … Préférant ignorer la morgue et l’inflexibilité d’Artémis. L’un d’eux se releva :
- Nous avons votre parole, dites-vous … Que vaut-elle ?
- Qui que nous soyons, on ne peut nous juger que par nos actes. Et j’ai décidé d’agir. Mes objectifs vous inquiètent-ils ? En tout cas, plus que l’éventualité d’être livrés aux Hommes, sans aucune forme de scrupule ou de remords ? Alors, rassurez-vous : si j’y avais intérêt, je l’aurais déjà fait depuis longtemps, voyons … de toute façon, vous n’avez plus rien à perdre. Autrement dit ? Je ne vous donne aucune garantie, mais si vous ne me signez pas ce chèque en blanc, vous êtes finis. Alors à quoi bon ?
- Et quelle garantie avons-nous que ce que vous nous annoncez est vrai ? Qu’en savons nous, au fond, de votre sinistre prédiction ?
- Ce que vous en savez ? VOUS OSEZ REMETTRE EN QUESTION CE QUE VOUS EN SAVEZ !? Tonna Artémis, soudain ulcéré. JE VAIS VOUS DIRE, MOI, CE QUE VOUS EN SAVEZ ! VOUS SAVEZ QUE LA PLUS VALEUREUSE DES MEMBRES DU CONSEIL EST MORTE, ASSASSINÉE PAR UN MALADE ARMÉ D’UNE MAGIE DÉBRIDÉE, QUI TENDRA SOUS PEU À RAVAGER VOTRE CIVILISATION ! VOUS SAVEZ QUE RAINE VINYAYA VIENT DE SUBIR UN ATTENTAT, AU COURS DUQUEL J’AI MOI-MÊME FAILLI TIRER MA RÉVÉRENCE ! LA SEULE CHOSE QUE VOUS NE SAVEZ PAS, EST CE QU’ELLE AURAIT EU COMME RÉACTION FACE À MES PROPOS, CAR VOUS N’ÊTES, SANS ELLE, QU’UN RAMASSIS DE GRABATAIRES PASSÉISTES EFFRAYÉS À LA SEULE IDÉE DU CHANGEMENT ! VOUS DEVRIEZ AVOIR HONTE DE L’IMAGE QUE VOUS DONNEZ DU
PEUPLE ! PENSEZ-VOUS QU’ELLE VOUS AURAIT SUGGÉRÉ D’ATTENDRE PASSIVEMENT QUE L’HISTOIRE S’ÉCRIVE SANS QUE VOUS AYEZ VOTRE MOT À DIRE, POUR EN ÊTRE RÉDUIT À DÉPENDRE D’UN EXUTOIRE QUE NI VOUS NI LES HUMAINS N’AUREZ CHOISI !?
Soudain, Artémis fut coupé, restant sans voix. Car, sur l’écran principal de la salle, une communication venait de s’établir entre eux et l’une des Oreilles du Conseil : il s’agissait d’un gadget en forme de disque, d'une couleur iridescente, une sorte de communicateur à hologrammes dont la technologie, secrète et particulièrement coûteuse, s’appuie sur la Magie pour fonctionner, dit-on même dans les circonstances les plus extrêmes. Chaque membre du Conseil Féérique en possède une, et permet de contacter les appareils semblables à tout instant ... comme de retransmettre discrètement tous les faits et gestes des autres porteurs. Une voix cristalline s’éleva alors, répondant à l’ardente péroraison du jeune homme.
- Non, en effet. J’ai de bonnes raisons de croire qu’elle vous aurait conseillé … de
tout tenter, même l’impossible, pour ne pas tomber sous la coupe d’un mégalomane déterminé à dicter votre politique. Par ailleurs, c’est précisément le but de ce message.
Tenter l’
impossible … ce devait effectivement être le cas. Car sur l’immense écran de la salle du Conseil, a la stupéfaction générale, Raine Vinyaya, lourdement harnachée avec force équipements de science-fiction, appartenant de toute évidence à un commando de Récupération de nouvelle génération, et vêtue d’une combinaison noir mat dont seule émergeait son visage et ses longs cheveux argentés, venait de faire une allocution post-mortem.