Voilà
enfin le chapitre 4 de ma FanFiction ... bonne lecture !
(
chapitre 1 /
chapitre 2 & 3)
Chapitre 4 : Face contre Terre
Le litho-bitume, décidément, ne sentait pas bon. Pas bon, du tout. Voilà, en substance, la teneur des transcendantes premières pensées d’Holly Short, à la sortie de sa léthargie. Les secondes, évidement, furent plus pertinente. D‘Arvit, jura-t-elle en silence : Artémis est
encore le prisonnier d’un génie du Mal, et il va
encore falloir que je l’en débarrasse …
- Foaly ? Ici Holly Short, je déclare le code d’alerte alpha valide : Artemis Fowl vient d’être enlevé, je répète, Artémis Fowl vient d’être enlevé par Minerva Paradizo. La jeune humaine semble avoir conclu un pacte avec des êtres féériques, une garde paramilitaire qui m’a incapacité et a kidnappé Fowl.
- Ma pauvre Holly, lui répondit l’équidé, cela fait bien longtemps que nous avons déclaré le code d’alerte alpha : le réseau a été intégralement piraté par un virus hors norme, qui a lui seul a provoqué ce chaos ; je m’apprête à rejoindre le Grand Conseil pour établir un plan de crise, mais c’est presque sans espoir … le Commandant Kelp a plus que probablement été … neutralisé.
- Baroud ? Mrhmm – je veux dire, le Commandant ? est-ce qu’il est … et ce que vous savez s’il est …
- Nous devons craindre le pire, mais rien ne filtre à son sujet ; nous avons perdu sa trace il y a presqu’un quart d’heure. Je suis désolé.
- … Je … Vous … Et vous, où êtes-vous ?
- Dans ma cellule de contrôle centralisée, au QG des FARs ; celui-ci est attaqué, mais les commandos de récupération maîtrisent la situation. Je vais avoir besoin d’aide pour sortir, Holly ; moi seul peux encore réparer le désastre, et pour cela il me faut aller convoquer le Grand Conseil de crise …
- Compris, Foaly ; j’arrive immédiatement.
- … Mais comment allez-vous faire ? Ces miliciens encerclent le bâtiment !
- J’improviserais ! Répondit-elle.
Et curieusement, à ces mots, son moral en berne se raviva : cela lui rappelait le bon temps, la période où Julius s’obstinait à lui dicter ses ordres, auxquels la bien nommée Tête Brûlée des FARs ne comptait plus le nombre de refus qu’elle avait opposé. Comme il lui manquait ! Et voilà qu’aujourd’hui, c’était le tour de … Non, ne pas se laisser déborder par l’émotion ! Elle aurait bien le temps de le pleurer plus tard … si l’issue de cette débâcle la lui permettait. Se noyant dans l’action, la jeune elfe décolla au moyen de ses ailes mécaniques, en direction du centre-ville. Droit vers le QG des FARs … Et droit vers la mêlée.
- J’improviserais !
Lorsque Foaly entendit sa pauvre protégée, d’une voix blanche, tenter de donner le change en se réfugiant derrière son devoir pour tenir bon, il ne put s’empêcher de craindre le pire. Dans des circonstances très similaires, après la mort de Julius Root, Holly avait foncé tête baissée dans le piège d’Opale, réchappant d’extrême justesse de l’explosion d’une biobombe, d’un emprisonnement avec une horde de trolls, d’une coulée de métal en fusion homérique et de l’explosion en vol d’une navette cavalant dans la fournaise. De longues heures pendant lesquelles il l’avait crû morte … Et pourtant, une bagatelle à coté de ce que Minerva avait visiblement l’intention de leur faire subir !
De fait, entendre son amie la plus chère prononcer ces quelques mots le fit réagir avec une extrême violence :
- SHORT ! Je vous interdis formellement de –
- « Vous êtes bien sur le répondeur de " Holly Short " ; je suis actuellement occupée à sauver ma vie et bien d’autres encore. S’il vous défoule de me laisser un message m’expliquant posément, ou non, à quel point je suis stupide et bornée de m’être fourrée dans un tel guêpier, faîtes-le après le tir de Neutrino … DZZZWOUVVV ! »
Levant les yeux au ciel, massant avec une rage contenue le mille-feuille de rides de soucis qui lui tenait lieu de front, le consultant murmura à voix basse : « Mais
comment faisait Julius ? »
Minerva, suffocante, dévisageait, en proie à un silence forcé, le jeune homme au visage anguleux que de violents spasmes contribuaient encore à déformer. Les traits tirés à l’extrême, comme soulignés par ses cheveux plaqués en arrière, Artémis délirait. Et il y avait de quoi ! A côté de la mixture qu’il s’était inoculée, ce que son injection faite à une certaine vieille lutine recluse à Saïgon avait eu comme effet tenait lieu d’agréable thérapie homéopathique. Puis, à l’issue de minutes qui parurent interminables, les mouvements saccadés du génie se firent plus hésitants … moins vigoureux … exactement comme s’il
étouffait. D’ailleurs, il ne respirait plus.
La jeune fille à son chevet, affolée et ne sachant que faire, posa les yeux sur une trousse de premiers secours. Dans une ambulance, a priori, quoi de plus normal ! A l’écran, son électrocardiogramme venait d’entamer un long, plaintif et strident bip continu ; il fallait faire vite. Dans sa précipitation, Minerva ne prêta pas attention à l’électro
encéphalogramme. Mais peut-être valait-il mieux qu’elle ignore l’impensable : celui-ci était quasiment saturé, les pics d’activité si resserrés … qu’ils formaient une ligne continue, eux aussi. Une ligne continue, à une hauteur comparable à celles atteintes lorsqu’un
centaure joue aux échecs.
Déconditionnant un défibrillateur, Minerva déchira la chemise immaculée mais froissée, fixa les électrodes sur le torse inanimé, attendit en se rongeant les sangs que la pleine charge du dispositif fut atteinte … et actionna sur le bouton destiné à sauver son coéquipier. Sans résultat. Elle réessaya, sans plus de chance dans ses tentatives …
dont elle perdit le compte. En désespoir de cause, elle chargea une ultime fois l’appareil, pleurant à chaudes larmes sur la dépouille inanimée. Enfin, elle appuya sur le bouton.
Ou plutôt,
tenta d’appuyer sur le bouton ; car
quelque chose l’en empêcha.
Quelque chose d’assez gênant, pour tout dire : le dispositif venait d’être désintégré sous ses yeux.
A des kilomètres de là, en plein centre-ville, l’enfer se déchaînait contre Holly Short, marchant à reculons vers la sortie du Centre opérationnel des FAR en couvrant la fuite d’un certain Centaure, lequel boitait et pestait sous l’assourdissant tir de barrage rouge vif de l’Interraciale.
- C’était quoi, déjà, le plan !?
- J’ai déjà parlé de plan, moi !? Je devais être ivre !
- Il existe plusieurs formes d’ivresse, répliqua Foaly, en se cabrant pour piétiner un gnôme ayant eu l’outrecuidance de tenter de faire du rodéo sur sa croupe, pour lui plaquer un chiffon sur le visage. L’ivresse de l’Altitude, – il se baissa pour esquiver la poutrelle métallique qui dépassait du plafond – l’ivresse de la Gloire, – puis trébucha en marchant dans le casque abandonné d’un combattant – l’ivresse du Désespoir, – en examinant son sabot endolori … l’ivresse de l’Am – aille ! – En effet,
malencontreusement, Holly venait de lui marcher sur la queue.
Excédé et éreinté, l’équidé épris d’Esprit prit la mouche, douchant d’un chiche « Chenapan ! » le sourire, railleur d’ailleurs, de sa valeureuse équipière.
- C’est la
dernière fois que je vais sur le terrain ! Votre idée de nous défenestrer pour échapper à nos ravisseurs, d’où la tenez-vous !?
- De Butler ! Je l’ai vu faire dans un hôtel à Munich, ça avait plutôt bien marché … sur un humanoïde. Et puis où voudriez-vous aller !? Même Haven n’est plus sûr !
Puis elle se retourna, pirouetta en prenant appui sur le garrot de Foaly comme sur un cheval … d’arçon, et foudroya d’une salve de son Neutrino des miliciens, qui s’écoulèrent, paralysés.
- D’ailleurs, je ne vois même pas pourquoi je me fatigue encore à me justifier, tu ne cesses jamais de râler ! Admet que si je n’avais pas utilisé mon détonateur sonique, jamais je n’aurais pu te sortir de ton bunker assiégé ! L’équipe de forage aurait eu raison de ta précieuse baie vitrée pare-balle en quelques minutes !
- Primo, ce n’est pas un bunker, c’est une cellule de contrôle autonome blindée ; secundo, je n’ai jamais demandé à en sortir au milieu d’un conclave de nains fouisseurs puants ; et tertio, vous avez bousillé tous mes écrans plasma, tous mes presse-papier en cristal ET mes écouteur stéréo ! Jamais je n’obtiendrais les budgets pour les remplacer !
La moue réprobatrice qu’esquissa alors le centaure tenait du grotesque, évoquant à la fois un hibou offusqué et un carlin choqué, ce qui dérida un peu la pauvre elfe. Comment pouvait-on être aussi génial et aussi stupide à la fois ? Le fil de sa réflexion fut toutefois interrompu par une clameur venue des rangs miliciens :
- Ecartez-vous ! Pas fichus d’attraper une mauviette de centaure et une minuscule elfette, non mais
franchement … Je vais vous montrer, moi, comment se bat un gnôme, un vrai !
Et sur cette répartie faisant rougir Holly de fureur, d’être jugée inoffensive sur les seuls critères de sa petite taille et de son genre, Mirscant apparu dans la cour d’honneur du complexe, où les fuyards s’étaient frayés un chemin. Quel clown ! Il commençait à jouer avec ses doigts, a la manière d’un duelliste de western … Les scénaristes hollywoodiens avaient décidément une déplorable influence sur le Peuple. Holly dégaina, et fit feu sans même viser.
Ou plutôt,
tenta de faire feu ; car
quelque chose l’en empêcha.
Quelque chose d’assez fâcheux : La désintégration soudaine de son arme. Un unique impact, orange vif, la cueilli à l’aine, et elle s’effondra au sol comme un château de cartes, vaincue.
Une main crispée sur sa poitrine, comme s’il enserrait encore les électrodes qui venaient de disparaître, Artémis s’était redressé. Des bips réguliers, quoiqu’un peu rapides, emplissaient l’ambulance qui continuait sa route vers le Centre Féérique des Communications, le CFC ; et Minerva, défaite, assistait à ce qui lui semblait être une véritable résurrection. Son esprit rationnel reprenant lentement le dessus, elle tâcha de retrouver contenance et dignité, alors que son acolyte, faisant
apparaitre une cane de métal aux lignes épurées au creux de sa main, se relevait péniblement pour se diriger vers son homologue féminine.
- Comment ? coassa la jeune fille, des sanglots dans la voix. Comment as-tu … avez-vous fait ?
- J‘ai mis la Science au service de la Magie ; j’ai restauré mes aptitudes, et bien plus encore.
- Alors tout ... tout était calculé ?
- Statistiquement, je prévoyais de revenir à moi à votre quatrième impulsion ; d’ailleurs, si vous m’aviez administré la cinquième, je n’ose imaginer quel désastre cela aurait causé.
- … Vous êtes MALADE ! Vous auriez pu y rester !
- Je sais, oui ; mais j’ai survécu. Si je gagne, je suis un –
- Imbécile ! Epargnez-moi votre laïus, Artémis ! Je vous ai demandé comment vous avez réussi à vous rendre votre magie, et vous ne m’avez pas répondu !
A entendre la voix brisée de Minerva, il sut qu’il ne s’en tirerait pas si facilement ; articulant avec soin, et insérant de longues pauses dans son discours, il répondit :
- Eh bien, c’est en réalité assez simple : au lieu de restaurer la magie que j’avais volé … j’ai débridé le potentiel qui sommeille en chaque humain. Cette injection n’était là que pour en provoquer l’émergence ; et je te le promets : il n’y a aucun danger, ne t’inquiète pas. Tout est sous contrôle.
Mais peut-être sa très chaleureuse remarque,
si incongrue dans son discours, n’aurait pas sonné
si faux,
si la mélopée envoutante du Mesmer ne transparaissait pas dans ces derniers mots.
La vue floue, Holly tenta d’aligner deux idées cohérentes : pourquoi son Neutrino avait-il disparu ? Et d’Arvit ! Comment faisait-elle pour rester éveillée suite à un tir incapacitant de cette ampleur !? L’évanouissement aurait été plus charitable, tant la douleur était intense ! Les nerfs en feu, paralysée et la tête sur le point d’exploser, la valeureuse agent des FARs fut entreposée, façon sac de riz, à l’arrière d’une fourgonnette pénitentiaire, où se trouvaient déjà plusieurs de ses collègues. Le bruit des sabots de Foaly suivit, non sans ses sempiternelles protestations. Soudain, la douleur n’eut plus aucune importance : au fond du véhicule, menotté et les épaules voutées, Baroud Kelp tentait de calmer ses subordonnés pour obtenir d’eux un bilan de la situation.
- S’il vous plait, un peu de silence ! Et Lili, par nos Ancêtres, arrêtez de pleurer une seconde, ça ne sert à rien : s’ils avaient voulu nous tuer, ce serait déjà fait depuis longtemps. Bien ; j’ai votre attention ?
- GwwwhouhïMwwhon’oMMenDen, bredouilla Holly, la bouche engourdie par le tir et … l’émotion.
- Holl – je veux dire, Major Short ? Vous aussi, ils vous ont eu ?
- GwwwhouhïMwwhon’oMMenDen, réitéra Holly, presque mécaniquement.
- Pardon ? Je n’ai pas compris ce que …
- … oui, mon Commandant. Répéta-t-elle, en articulant soigneusement, cette fois.
- … Vous vous sentez bien, Holly ? Son air défait s’était mué en inquiétude, focalisée sur elle.
- Oui mon Command – oui, Bard’, lui répondit-elle en rougissant jusqu’à la pointe des oreilles.
- C’est … c’est parfait, alors. Très bien, très bien … Hrmmm, fit il en s’éclaircissant la gorge, alors que le silence demandé, pesant comme une accusation, les environnait : tout le fourgon avait les yeux braqués sur eux.
Décontenancé, Baroud réenfila le masque du Commandant Kelp, et s’adressa à ses troupes en déroute :
- Mes frères ! Aujourd’hui, est un jour sombre pour notre Histoire : les Forces Armés de Régulation ont subi une lourde défaite … mais nous n’avons pas encore perdu la guerre ! Il est vital que nous réfléchissions à un plan, que nous établissions un camp –
(sans explication, Holly et Foaly explosèrent d’un rire nerveux, déstabilisant le pauvre Commandant, qui ne savait plus où se mettre)
- Mhrrr, je disais, que nous établissons une poche de résistance, où nous tiendrons une position, en attendant les renforts de l’Atlantide …
- Mais mon Commandant, la ville est bouclée ! Il n’y a aucune issue, aucune manière de nous venir en aide ! Quel soutient pouvons-nous espérer des Atlantes ?
- Ils viendront, faîtes-moi confiance ; ils viendront … Les troupes d’assaut atlantes, les « bleus » de Passe-Telle, et la Garde du Dauphin, ils libèreront la ville.
(Holly, relevant la tête dans une vaine tentative de reprendre son sérieux, croisait le regard de Foaly lorsque Baroud entamait son laïus ; et repris de plus belle son hoquet étouffé, les yeux exorbités par son fou-rire, tandis que son comparse
hennissait littéralement.)
- … Il faudra que nous ayons une discussion, vous et moi. Seul à seul, dans mon bureau ; vous aussi, Foaly.
Réplique qui fut accueillie par l’hilarité générale.
Minerva, les yeux et les pensées dans le vague, contemplait son acolyte avec circonspection. Rendre la magie aux Hommes ? C’est inespéré ! Il fallait
vraiment qu’elle le suive. D’ailleurs, ne lui avait-il pas promis qu’il maitrisait la situation ? Il fallait qu’elle se montre digne de sa confiance ! Que prévoyait le plan, déjà ?
- Et maintenant, ma chère, c’est à vous de jouer ! fit Artémis, se voulant encourageant.
Ah, oui ; il fallait qu’elle convainque le Peuple d’entrer en guerre ; en guerre pour la Surface. En guerre pour la Terre.
Redevenant aussi froidement déterminée qu’à l’accoutumée, elle réarrangea d’un bref mouvement de tête ses boucles blondes, essuya ses larmes et figea à nouveau son expression. Que lui avait conseillé Artémis, lorsqu’il lui avait expliqué la marche à suivre ? L'expression du Mal. Du Mal, mais aussi d'une haute intelligence. Et déterminée, ne pas oublier la détermination. Elle sorti un petit miroir de sa poche, retoucha son maquillage qui avait dégouliné … «
C’est parti » murmura-t-elle, en sortant du véhicule.
Lorsque l’ambulance se gara, devant les marches du CFC, ce n’étaient pas deux complices qui en sortirent, accompagnés d’un chauffeur, mais une Maîtresse du Monde en devenir, flanquée de son otage et d’un homme de main. L’allure altière, elle fendit l’esplanade sans même se préoccuper du chaos ambiant, un Artémis défait et vouté lui emboitant le pas, régulièrement admonesté par le lutin, fermant la marche, qui plaquait le canon d’un étrange modèle de Neutrino dans son dos. Sur son passage, les miliciens de l’InterRaciale s’écartaient respectueusement, alors même qu’elle fonçait littéralement en direction de la salle du Conseil. Avec une majesté incontestable, elle arriva devant la dernière des portes blindées qui sectionnaient le bâtiment, au pied de laquelle un groupe commando stationnait, en compagnie d’un gobelin armé d’un énorme chalumeau et coiffé d’un casque d’aviateur en cuir, dont il avait rabattu les lunettes archaïques sur un long nez verdâtre.
- Enkore kinze sekondes, M’sieurs dames … Mademoiselle ! Dans sa voix, nasillarde et aigüe, l’excitation était palpable.
- Vas-y Flasky, c’est bon ! L’encouragea un elfe au regard matois, apparemment le responsable du détachement d’assaut. Oh, Mademoiselle Paradizo ! Vous êtes arrivés ; parfait, nous allions justement …
Dans une franche odeur d’ozone et de moquette en ébullition, accompagné d’un Clannnng ! sonore, le sas blindé venait de basculer vers l’intérieur du Saint des Saints : le couloir qui menait à la Salle du Conseil.
- A votre commandement, Miss ; Mirscant devrait arriver d’une minute à l’autre, mais –
- Alors allons-y immédiatement !
- Bien Miss … Vous avez entendu, les gars ? En avaaaaaaant ! Un garde sur chaque porte, chaque fenêtre, chaque conduit d'aération !
Alors que les miliciens s’engouffraient dans la brèche, évitant adroitement les bords ardents du trou découpé par le gobelin, et défonçaient la porte du bureau des Conseillers, Minerva prit la parole, d’une voix de stentor :
- Mesdames et Messieurs les Conseillers, bonjour. Veuillez éteindre s'il vous plait vos téléphones portables et vos appareils d'enregistrement pendant toute la durée de la représentation ; tout contrevenant sera ... sanctionné.
Le fourgon venait de s’arrêter. Alors que ce qui restait de l’état-major des FARs discutaient vainement stratégie, un modeste consultant équin réfléchissait à vive allure. S’il avait gardé le Cube C chez lui, et s’y trouvait toujours, comme le lui avait confirmé Caballine, lorsqu’il l’avait appelé sur son portable cellulaire … cela pouvait vouloir dire deux choses. Soit sa propre femme lui avait menti – impensable ! – ; soit … le Cube avait été recréé. La thèse de l’enlèvement d’Artémis par Minerva ne collait donc plus, car lui, et lui seul, aurait pu concevoir une nouvelle version de ce bijou de technologie. Pourtant, rien ne lui aurait permis de mettre la main sur cet accessoire, qu’il aurait reconstruit en Surface, sitôt sorti de leurs mésaventures avec Turnball Root ; et comme par hasard, Minerva trouvait, elle, un moyen de pénétrer, sans créer la moindre alerte, au cœur du royaume sous-terrain des Fées.
Oui, visiblement, ces deux-là étaient de mèche ; et les questions affluaient dans la tête. Pourquoi une telle mise en scène, suggérant à un kiddnaping, alors ? Pourquoi une alliance contre nature avec l’InterRaciale, connue pour sa haine anthropophobe ? Pourquoi prendre le risque d’assiéger Haven Ville, une entreprise plus que périlleuse ? Pourquoi le faire en décrétant l’Isolement, une mesure pouvant se retourner contre eux en les acculant ? Mais le « détail » qui le turlupinait le plus était : pourquoi nous laisser en vie ? Et comment se fait-il que les tirs ne fussent pas dirigés contre Holly et lui, comme pour les épargner ? D’ailleurs, quelle étrange arme avait pu utiliser Mirscant pour mettre Holly hors d’état de nuire, sans toutefois l’assommer ?
Interrompant le fil de ses pensées, il sortit avec les autres du fourgon : ils étaient devant le CFC. Étrange … Puis tout devint clair. Artémis et Minerva voulaient organiser une session extraordinaire du Grand Conseil ! Ils n’étaient pas choisis au hasard : chacun des occupants du fourgon avait des responsabilités au sein des FARs, et leurs présences étaient requises lors d’une réunion de crise de l’organe décideur de l’administration du Peuple. Voilà pourquoi attaquer Haven, pourquoi les garder en bonne santé ! Ce qui sous-entendait que les deux Bonshommes de Boue avaient décidé de se mêler de la politique du Peuple. Et connaissant Artémis, ça n’était
vraiment pas une bonne nouvelle. Mis en parallèle avec le mystérieux PROJET du jeune Irlandais … Il voulait leur forcer la main ! Mais bien sûr !
Enfin, Foaly redescendit
sous Terre. S’il gardait
illégalement le Cube chez lui, à la portée du premier cambrioleur venu, alors il serait enfantin pour Artémis de se défendre en spéculant sur un simple vol ; et alors il aurait tout perdu. Sa réputation était déjà posée sur le billot ; mais il saborderait toute chance de se faire pardonner en arrangeant les choses, s’il se dénonçait comme seul coupable de cette nouvelle faille dans SON dispositif de sécurité. Ce fut, peut-être, ce qui acheva de le convaincre : comment, pourquoi, il n’en savait rien, mais c’était Artémis se cachait derrière cette machination. Le piéger ainsi, le bâillonner avec ses propres chaînes, c’était du Artémis tout craché.
« Oh, oui, mon trésor ! » fit-il à mi-voix, à l’adresse de sa femme, qui ne pouvait l’entendre ; « Tout est de la faute d’Artémis ; parce que sinon … cela veut dire que tu m’as trahi. Tout est de la faute d’Artémis … » Mais au fond de lui, il savait que, quand bien même Artémis aurait pu inventer les complots les plus retors de toute la Création … C’était Caballine qui avait le plus de chances de l’avoir trompé. Elle était sa plus grande faiblesse. Il fallait donc y … remédier. Un raisonnement s’enchaînant point par point, pour l’esprit malade d’un centaure atteint de mégalomanie paranoïaque, et refusant de regarder ses échecs en face. Comme cela tient à peu de choses, la Folie, parfois ! Elle suit les lois de la gravité. Il n'y a qu'à donner une légère
pichenette !
Au cœur de la cohue qui régnait désormais au sein de la Salle du Conseil, où perçaient les imprécations démentes de Minerva et les protestations véhémentes des huit Anciens, Artémis tentait de rassembler ses forces. Pour l’heure, il restait dans le rôle de l’otage, mais tout cela allait vite changer ; il lui suffisait d’attendre le signal …
- Et c’est pour cela qu’il est urgent que le Peuple intervienne ! s’emporta la jeune Française. Dans trente ans, la Terre aura franchi le point de non-retour ! Si vous n’intervenez pas pour faire pression sur les gouvernements humains, aucun consensus ne sera trouvé ! Pour que le monde aille mal, nul besoin de
faire le Mal ; il suffit de le pas faire le Bien !
- Vous les Êtres de Boue serrez toujours les même ! Vos seules solutions sont toujours la lutte armée, les morts inutiles, la désolation !
- NON, intervint Artémis. Souvenez-vous de ce que j’ai fait, de ce que je propose : intervenez en toute discrétion, changez les choses incognito !
- Aussi louable que soit votre tentative, Artémis, répliqua sèchement Minerva, c’est inutile : votre misérable Cube de Glace ne suffirait pas à faire se réfléchir le tiers des rayonnements du soleil excédentaire … Vous vous jetteriez seul dans un tonneau des Danaïdes. Alors qu’en lançant un ultimatum aux Etats Unis, à la Chine et à l’Europe –
- Malheureusement, je ne puis qu’être du même avis, jeune Homme, dit à son tour Cahartez, dans un silence curieusement apaisé ; sans compter l’éventualité d’être repéré par les Hommes, qui est beaucoup trop grande ! Non, ce PROJET est trop risqué …
- Dites-le : vous avez peur, réplica posément le Génie ; vous avez peur d’interagir à nouveau avec les Hommes, et c’est ce qui vous pousse à vous taire, à une table de négociation où vous auriez le pouvoir de faire changer les choses … sans user de violence.
- Et comment ? S’esclaffa le Président du Conseil, hilare. Comment, s’il ne fait pas insulte à votre légendaire intelligence de nous l’expliquer, compteriez-vous changer les choses ?
- Oui, comment, Artémis ? Renchéri sa complice, jouant son rôle avec beaucoup de talent.
- Imaginez que la communauté internationale prenne conscience de vos efforts pour sauver leur
Terre, et obtenir des résultats probants ; que cherchera-t-elle en premier lieu à faire ?
- Nous exterminer ? fit en chœur l’assistance, InterRaciaux comme membres du gouvernement.
- Bien sûr que non ! On chercherait à obtenir votre aide. Avant même de se demander quoi faire de vous, on vous verrait une utilité presque miraculeuse. Vous apparaitriez d’un conte de Fées pour aider une Humanité en train de faillir ; vous deviendriez des héros. N’avez-vous donc jamais pensé à l’éventualité de faire la paix avec les Hommes ? Arrêtez de croire en la discorde, et espérez l’avènement d’une nouvelle ère !
Soudain animé d’une nouvelle énergie, le prisonnier se métamorphosait peu à peu en arbitre ; et en proposant des solutions concrètes, en alignant les mesures sages et prudentes, qui contrastaient avec les propos bellicistes de Minerva … Il commençait à convaincre l’assemblée.
Parfait, se dit Artémis. Tout se déroule selon le plan. Ne manque plus que …
La porte de la salle du Conseil s’ouvrit
à ce moment précis : Lumbart Mirscant, en compagnie d’une trentaine d’agents des FARs, de deux fois leur nombre en miliciens et d’un centaure, vennait d’arriver dans l’arène.
- Voilà les résidus féériques que vous m’aviez chargé de rassembler, Mademoiselle Paradizo, tonna le gnôme tapageur.
- Excellent ; nous allons enfin pouvoir passer aux choses sérieuses. Afin de résumer très rapidement à vos intellects limités la situation, vous avez été convoqués pour prendre la décision d’entrer en guerre contre les Hommes. Il en va de votre devoir, pour sauver la Terre ! Les Êtres de Boue pillent, déséquilibrent, asservissent la Nature depuis assez longtemps comme cela.
- Ne tenez aucun compte du discours incohérent et des arguments fallacieux de cette folle ! Lança un conseiller. Même à genoux, le Peuple ne se rangera pas derrière un tyran fanatique !
- Allons, allons, du calme ! Tenta Artémis. Vous voulez la Paix ? Je vous l’offre. Vous voulez sauver la Terre ? Nous y arriverons. Mais tout cela n’est possible que si nous travaillons ensemble … N’est-ce pas le principe fondateur de votre lobbie, Mirscant ? N’est-ce pas une meilleure solution que de se résigner, Conseillers ? Commencez par déposer vos armes, et asseyons-nous autour d’une table de négoci –
- IL MENT ! Hurla Foaly, hors de lui. C’est lui de cerveau de toute cette histoire ! C’est lui qui a orchestré l’attaque informatique, lui encore qui a planifié ces attaques commando ! Il a chargé la gamine de prendre le mauvais rôle, pour pouvoir s’ériger en réconciliateur ! Même Mirscant est à sa botte … Ne vous laissez pas duper ! S’il veut vous manipuler pour faire de vous ses esclaves, c’est pour vous utiliser comme tremplin ! Avez-vous réellement cru à la possibilité d’un Artémis Fowl
altruiste ?
- Avez-vous de preuves de ce que vous avancez, Foaly ? Vos allégations diffamatoires me semblent bien infondées … Moi qui tentait de me racheter, franchement, quelle confiance !
- Allons, Artémis … ne jouez pas au plus malin avec moi. Je ne crois pas aux coïncidences ; pas lorsque vous êtes dans l’équation ! La réapparition miraculeuse du Cube C, que seul vous savez faire fonctionner, ne peut être que votre fait. Rappelez-moi, ce fameux Code Eternité … C’est bien à vous qu’il obéi, non !?
- Bien sûr ; c’est pour cela que j’ai été enlevé, pauvre mule stupide !
- Alors comment expliquez-vous que l’attaque ait eu lieu … avant que vous ne soyez enlevé ? Il y a comme une erreur de timing dans votre magnifique plan ! Allons, cessez cette mascarade, jeune imbécile ; vous avez échoué … pauvre fou.
... La suite dans le topic de ma participation au concours V